samedi 7 juin 2008

Etude du thème du danger au service du progrès dans Vol de Nuit d'Antoine de Saint-Exupéry pour classe de troisième

Thème : Le roman Vol de Nuit d'Antoine de Saint Exupery l’homme doit mettre sa vie en danger au service du progrès. Argumentez vos idées à partir des exemples tirés du roman.

Introduction

Le roman Vol de Nuit a été écrit dans un contexte particulier : celui de la concurrence entre les moyens de transport. Pour ne pas être pris de cours par l’automobile où le train, Rivière, le chef de l’aéropostal initie le vol de nuit avec tous les risques que cela comporte. Cette situation nous ramène à poser les questions suivantes.
Après avoir fait un bref historique, nous analyserons les obstacles qui se dresserons devant les pilotes ensuite le professionnalisme dont feront preuve les aviateurs.

I. Historique

C’est l’histoire des événements survenus une certaine nuit sur le réseau aérien en Amérique du Sud à une époque qui n’est pas précisée, mais qu’on peut situer vers 1930, où les vols de nuit relevaient presque encore du domaine de l’aventure et où les pilotes étaient de vrais martyrs. Ils affrontaient d'énormes dangers et prenaient beaucoup de risque. André Gide disait à ce sujet qu’ « il y a pour l’aviation comme pour toute exploration de terres inconnues une période héroïque ».

II. Les obstacles de l’air

1. La nature des obstacles
L’avion conçu comme moyen de déplacement aérien réduit l’univers de l’homme dans une masse de ferraille en plein air qui le détache de son monde extérieur. Le pilote, à l’intérieur de son appareil de commande dont-il semble être maître, se fixe une destinée d’atterrissage dont il n’est pas toujours sur de joindre. L’avion échappe parfois au contrôle du pilote par suite d’orage, de tempête, de cyclone. Le pilote n’est pas aussi à l’abri d’une défaillance de moteur, d’une aile brisée face à un orage ou une tempête ; ni également à l’abri d’une visibilité nulle qui peut créer une catastrophe et même la mort du pilote. Ainsi en est-il de Fabien.
Ce pendant dans Vol de Nuit, Saint Exupery nous informe que les risques des pilotes sont multiples. Ainsi sur le plan social tel que écrit l’auteur : « L’intérêt générale prime au détriment de l’intérêt particulier », les pilotes en cours de mission mettent en exergue l’angoisse personnelle et familiale au même niveau à chacun de leur vol. Ce qui constitue un risque majeur au plan psychologique et familial, car la famille n’est jamais sûre du retour de leurs maris aux foyers. En outre ces pilotes face à l’éducation de leurs enfants apparaissent comme des parents absentéistes d’où le manque d’affection des enfants vis-à-vis de leurs parents.

III. Le professionnalisme des pilotes

1. La volonté des pilotes

Les nombreux dangers - auxquels font face les pilotes - constituent un motif pour affirmer que les pilotes risquent à tout moment leurs vies. Ainsi il leur fallait une volonté et un courage extraordinaires. Les pilotes n’en manquaient pas. Leur chef aussi, car Rivière ne se reposait pas (p.28). Et la responsabilité de leurs outils de travail et celle de leur propre vie ont suffit pour les pousser à se surpasser de telle sorte que, devant le danger, les pilotes ont presque l'impression de  jouer : " Sans avoir à lutter, ils serraient les mains sur les commandes " (p.36). Le narrateur ajoute même : " Le cyclone ce n’est rien " (p.37). Toutefois c’est le chef Rivière qui leur inspirait cette volonté : "L’homme était pour lui une cire vierge qu’il fallait pétrir. Il fallait donner une âme à cette matière, lui créer une volonté (…) il créait cette volonté. Ainsi, malgré tous ces dangers, ces pilotes aiment leur travail. " Ces hommes-là sont heureux parce qu’ils aiment ce qu’ils font et ils l’aiment parce que je suis dur ". (p.47)

2. Le savoir-faire des pilotes
On vient de montrer que les pilotes aiment leur métier, mais c’est surtout parce qu’ils sont des professionnelle même si Rivière n’était jamais tranquille lors d’un vol de nuit. Fabien dans sa cabine de commande était non seulement « bien à l'aise » (p.22), mais il manipulait avec adresse son outils de travail, en témoignent les verbes d’actions : « Il tapota le tableau de distribution électrique, toucha les contactes un à un remua un peu, s’adossa mieux et chercha la position la meilleur pour mieux sentir les balancements des cinq tonnes de métal qu’une nuit mouvante épaulait » (p.22). En outre, par la comparaison, on voit que Pellerin se sort de son voyage grâce à son expérience, et il parle : « de son vol comme un forge de son encule » (p.42). D’ailleurs la maîtrise du travail est confirmée par l’inspecteur Robineau qui se sente moins important que les pilotes. Pourtant, face aux dangers extrêmes, le pilote ne pouvait que s’abandonner au hasard. La conclusion qu’on peut tirer de Vol de Nuit est positive dans la mesure où, malgré la mort de Fabien, le travail contenue car "une victoire affaiblit un peuple, une défaite en réveille un autre".

3. Des pilotes au service du progrès
Les pilotes étaient de vrais messagers étant donné que c'est au prix de leurs vies qu'ils entreprennent ce métier plein de risques ; car le danger est souvent constitué d'obstacles inconnus ou imprévisibles. Mais au service de la réussite de l'aéropostal, et au nom du progrès de la navigation aérienne et par conséquent de toute l'humanité, ils doivent accomplir leur mission quoique périlleuse. Donc ils renoncent à "ce qui fait douce la vie" pour le bonheur des familles qui attendent les lettres dont ils sont porteurs. Voilà pourquoi le narrateur note qu'"un homme travaillait quelque part pour que la vie soit continue, …pour que jamais, de Toulouse à Buenos Aires, ne se rompe la chaîne. » (p. 77)
Ainsi chaque pilote est responsable de lui-même et de son outil de travail. Responsable aussi des hommes (femme et camarades). Aussi Fabien « tenait dans ses mains le cœur battant de son camarade et le sien » (p. 138).
Dans Terre des hommes de ce même Antoine de Saint-Exupéry, le héros Guillaumet était "responsable de lui, du courrier et des camarades qui espèrent (…) responsable un peu du destin des hommes, dans la mesure de son travail. »

Conclusion

Vol de Nuit peut être considéré comme le roman qui enseigne la responsabilité du chef et celle des sujets qui doivent chacun en ce qui le concerne joue pleinement son rôle pour permettre l’atteinte des objectifs. Tout cela passe par le sacrifice et par l’esprit de dépassement. C'est que ces illustres pèlerins de l'aviation civile savent pourquoi ils sont là et travaillent pour que la vie continue, afin que le bonheur et la paix bienheureuse demeure. Ces pilotes atteignent ainsi, grâce à leurs actions héroïques, l'immortalité. Rivière va survivre par son action.

Etude d'un thème : Victoire et/ou défaite dans Vol de nuit

Etude de thème : «Une victoire affaiblit un peuple, une défaite en réveille un autre », affirme Antoine de Saint Exupery. A partir de la lecture de Vol de Nuit, vous montrerez la justesse de cette pensée.

Introduction

Le problème soulevé se trouve à la fin de Vol de Nuit. Ce qu’il faut remarquer surtout ce sont les paroles qui précédent cette affirmation : «victoire…défaite…, ces mots n’ont point de sens. La vie est au-dessous de ces images et déjà prépare de nouvelles images» page 187. Dés lors on peut penser la question qui est à résoudre est celle de savoir si l’action – et son résultat – aujourd’hui a une signification sans son devenir. Autrement dit, laquelle de la victoire ou de la défaite fortifie finalement un peuple.
On se demandera alors comment est perçue la victoire à travers Vol de Nuit, mais aussi pourquoi le narrateur, surtout après la mort tragique de Fabien, affirme paradoxalement qu’une défaite réveille un peuple.

I. La compréhension de la victoire

1. La victoire : c'est peu de chose

Vol de nuit traite de la victoire de manière étonnante, car elle est souvent banalisée, éphémère. D’ailleurs dans la lettre de Saint-Exupéry citée par André Gide dans la préface, on lit : « Je viens de réussir un petit exploit ». Pour dire la faible valeur que l’auteur lui-même accorde à la victoire. C’est pourquoi il ajoute : « Jamais plus je n’admirai un homme qui ne serait que courageux. »
La victoire dans ce roman n’est, semble-t-il, jamais acquise. Et c’est peut-être là que se trouvent la noblesse et la grandeur des pilotes. Ainsi le narrateur avance que lorsque Fabien « gagne ces lumières », il a « le sentiment de vaincre » (p. 23), mais en réalité il ne vainc pas. Cette impression est arrivée également au pilote Pellerin qui pensait avoir « bien gagnés » ses camarades (p. 34).

2. Perdre une bataille, non la guerre

Si l’arrivée à destination est vue comme une victoire, Rivière pense que « l’arrivée des avions ne serait jamais cette victoire qui termine une guerre » (p. 28). Mais la guerre contre qui, contre quoi ? Sinon contre le mauvais temps : orages, tempêtes, ouragan, nuit, bref contre la nature ou la mort.
Pourtant lorsque Rivière félicite Pellerin ainsi « Comment avez-vous réussi ? » (p. 42), celui-ci s’excusait presque car, pour lui, cette victoire signifie peut-être peu à ses yeux même s’il raconte comment il l’a obtenue sur les obstacles du ciel, aux pages 42 et 43.
Par contre, chez Fabien, la victoire était éphémère, et on perdait, presque aussitôt après, ce qu’on a gagnait !
« Marches, contremarches, territoires gagnés qu’il faut rendre » (p. 69)

II. Le sens de la défaite dans Vol de Nuit

1. Qu'est-ce la défaite?


Dans Vol de Nuit, la victoire est surtout pour le responsable Rivière, c’est d’arriver à vaincre la peur qui est en soi. Ainsi dit-il à son pilote à deux reprises « Je le sauve de la peur » (p. 102 et p.103). En plus l’homme doit avoir de la foi, de la volonté et du courage, car la lutte est engagée, contre la mort. Donc l’homme doit être motivé par le désir de vaincre, désir qui ne peut être effectif que lorsqu’on a eu une défaite. C’est la raison pour laquelle le narrateur affirme qu’une défaite réveille un peuple. Et devant l’arrivée soudaine de la mort, celui de Fabien, Rivière s’exclame « La mort, la voilà ! ». Mais cette défaite entre guillemets de Fabien est synonyme de victoire dans la mesure où seule « L’action délivre de la mort » (p. 164) puisque, par son action, le pilote devient éternel, durable.

2. La victoire : c'est qui perd gagne

On retiendra dès lors que dans cette œuvre, la défaite ce n’est pas mourir, mais plutôt abandonner. Pour citer une défaite, on a ainsi le demi-tour d’un pilote qui à peur du mauvais temps, à la page 101. Néanmoins, il arrive dès moment où la volonté et le courage soient désarmés et que seule la chance peut sauver le pilote. Ainsi en est-il de Fabien qui « Calculer ses chances » (p. 110) mais qui jouait à qui perd gagne, parce que même mort Fabien restait éternel par son action et ce drame n’empêchait pas aux avions de voler. La phrase qui résume la force de la défaite est sans doute ce qui justifie le sujet à savoir : « Les échecs fortifient les forts » (p. 119).

Conclusion

Il a été, on l’a vu, toujours question de grandeur, de noblesse, de courage dans le roman. Il est donc vrai que la victoire ou la défaite n’on pas de sens, c’est plutôt le sentiment qu’on a de l’action à accomplir qui fait la victoire ou la défaite. Donc la mort de Fabien qui n’a pas arrêté la marche des autres avions ne peut, du point de Rivière, constituer qu’une défaite positive. D’ailleurs le roman finit par un chant d’orgue qui monte, un hymne à la gloire du héros et Vol de Nuit se termine par le mot « Victoire ».
« Rivière - le grand, Rivière – le victorieux, qui porte sa lourde victoire » (p. 188).






























Etude esquissée de Vol de nuit d'Antoine de Saint-Exupéry pour classe de troisième

VOL DE NUIT

I. Résumé de l'œuvre

II. Etude des personnages

III. La structure du récit


L’organisation en chapitres oriente le récit vers une structure d’ensemble relativement complexe : les moments de l’histoire peuvent être doubles ou parfois même triples. Cependant, on peut isoler l’unité principale mise en exergue par le titre – c’est-à-dire le vol de cette nuit – et retrouver une structure simple et linéaire.
Brièvement, résumons la structure ainsi : le texte débute par une unité (un avion en activité), puis cette unité s’éclate en trois unités (trois avions), indépendantes les unes des autres, et enfin retour à une unité (un avion).

Il se dégage, somme toute, une infinité d’unités auxquelles le narrateur et les personnages font allusion.
L’unité principale qui organise le récit se décline en trois moments : situation initiale, péripéties et situation finale.

La situation initiale

Le roman commence « in medias res » par Fabien que le narrateur montre dans son occupation habituelle : piloter (p. 17). Il vient de l’extrême Sud (Terre de Feu) de l’Argentine et se dirige vers Buenos Aires, le soir.
- un atterrissement de dix minutes à San Julian ;
- entrée dans la nuit paisible.

En fait il y avait deux autres avions au ciel : dans celui de Paraguay, un pilote se dirige vers Buenos Aires, ainsi que Pellerin qui avait quitté le Chili, à l’ouest. Tous les trois avions postaux ont le vent en poupe, et leur arrivée est prévue avant minuit (p. 27).
Le narrateur pose les « possibles narratifs » en ces termes :
« Trois pilotes, chacun à l’arrière d’un capot…» (p. 27)

Les péripéties

Trois avions sont lancés : leurs manœuvres dépendent du temps – pas de la nuit seulement, mais aussi, et surtout des conditions météorologiques : orages, tempêtes, ouragans, cyclones…
Le courrier de Chili atterrit (p. 33). Le pilote, sa lutte dans le cyclone. Ce cyclone du Pacifique – notons l’oxymore dans l’idée - ne dépasse jamais les Andes, dit Rivière.

- Chapitre VII : des nuages se forment, un orage, de loin, lance une attaque ;
- Chapitre XII : Fabien et son radio sont cernés : ils ont atteint « le point de non retour », le triangle de Bermudes du ciel
Au Sud : à Commodoro, une tempête ;
Au Nord : à Bahia Blanca, un orage occidental en moins de vingt minutes ;
Au Nord toujours, avant Bahia Blanca ; Trelew vit un Ouragan de trente mètres secondes Ouest et des rafales de pluies ;
San Antonio, un vent et une tempête.
Fabien « pensait qu’il était cerné » (p. 113)

- Chapitre XV : L’équipage de la Patagonie est seul, sans adjuvants, abandonné aux vents et à la pluie.
- Chapitre XVI : il parvient pourtant à se stabiliser, et même Fabien jubile : « - Ca va mieux ! » (p. 144)
- Chapitre XVII : L’avion maintient sa stabilité, mais il est toujours bloqué au ciel. Un problème d’essence annonce un rebondissement.
- Chapitre XX : deux possibilités : essence épuisé ou panne : dans les deux cas, l’issue sera fatale.

La situation finale

Après la disparition du courrier de Patagonie, les yeux se tournent vers l’autre avion (l’autre unité alors). A la marche et fin tragique du courrier de Patagonie, fait contraste celle de l’Asunción.
La situation se pose ainsi : partis de points opposés, l’amélioration du sort de l’Asunción est le contrepoint de la dégradation du sort de Fabien.
- Chapitre XX : fin tragique de Fabien et son radio : mort du héros, d’un héros.
- Chapitre XXII : issue euphorique : « Ce vol heureux annonçait, par ses télégrammes, mille autres vols aussi heureux. » (p. 181)
- Chapitre XXIII : une seule unité reprend et on revient à la situation initiale (nouvelle). Le courrier d’Europe est relancé en direction de Toulouse, c’est-à-dire pour une distance encore plus grande. Pour la première fois, on nous montre un départ d’avion ; comme si l’action venait de commencer. On la situerait au chapitre X, où un manque est créé chez la femme du pilote de ce même courrier.

IV. Temps et espace


Longtemps considérés comme moyens d'approche d'un texte, le temps et l'espace ont connu, à travers l'histoire de la critique littéraire, des avatars considérables. Leurs traitements participent de l'originalité d'une production littéraire et aident au décryptage du message quel qu'il soit.
Pour preuve, dans le livre en tant qu'objet, l'écriture occupe un espace (équivalent au nombre de pages) et tout lecteur lui consacre un temps pour y tirer l'information proportionnelle à son niveau de compréhension.
Faire abstraction du temps et de l'espace, c'est nier l'existence même.

A. Etude du Temps

Une histoire est racontée. Mais l'histoire de qui? Et de quoi?
Disons-le d'emblée, que c'est l'histoire de pilote (contentons-nous pour le moment de ce mot générique) et l'histoire d'une action (pour ne pas dire des actions – choix qu'on précisera ultérieurement).
Cette histoire racontée (ou "récit", mot que nous emploierons désormais) s'inscrit dans un temps et se dilue quelque part – imaginé ou réel.
L'étude du temps dans Vol de nuit est, à bien des égards, importante pour l'éclairage de l'action dans le texte. Dans le roman, il faut distinguer la durée de l'histoire (ne dépassant pas une nuit, comme le note le titre, du reste) de celle du récit. Cette dichotomie opérée au niveau du temps appelle une approche fragmentée. On est en face de deux récits, et par conséquent de deux durées. Un récit premier qui dure une nuit ; et un récit second dont la durée – impossible à circonscrire – et l'action se diluent dans le récit premier, ou mieux dépendent de lui.

1. Le temps du récit

La durée du récit ne dépasse guère une nuit.
Partant de l'analyse du titre de l'ouvrage, on en arrive à une conclusion selon laquelle tout s'est noué autour du couple de mots assez solidaires que sont vol et nuit. Dénouer le petit tissu du titre peut permettre une compréhension aisée de l'action qui se développe à travers le texte. Par exemple, croire que le personnage principal ou le héros c'est Fabien, parce que d'une part il est le premier nommé, et parce que sa mort coïncide avec la fin du roman d'autre part – ce qui d'ailleurs n'est qu'une impression pour un esprit primesautier et non ce qu'il en est réellement.
Le titre donc, Vol de nuit, sans article, permet de prendre l'action dans son universalité, au moins dans le domaine du pilotage (action de piloter). Quant au mot nuit, ajoutant une nuance supplémentaire, sort l'action de l'ordinaire.

2. La durée du récit

Le récit premier (cf. sufra) commence "officiellement" le soir :
"Et le pilote Fabien, qui ramenait de l'Extrême Sud, cers Buenos Aires, le courrier de Patagonie, reconnaissait l'approche du soir aux mêmes signes que les eaux d'un port…" (p. 17)
Il s'achève avec le départ du courrier d'Europe, à deux heures et quart ou vingt de la nuit. C'est à la fin seulement qu'on saura que la fin de l'action a été annoncée par le responsable de la Compagnie, Rivière, de manière péremptoire :
"Il est deux heures. Le courrier d'Asunción atterrira à dix heures dix. Faites décoller le courrier d'Europe à deux heures et quart." (p. 178)

- L'action s'arrêtera-t-elle après?

On ne tardera pas à le savoir, d'autant plus que Rivière va décréter que le courrier de d'Europe décollera à deux heures et quart.
Le décollage a eu lieu, et "dans une minute il (l'avion) franchira Buenos Aires" et "dans cinq minutes les postes de T. S. F. auront alerté les escales" (p. 188)
La durée de l'action du roman s'arrête environ vers deux heures vingt minutes, mais elle survit "réellement" au texte.

a) Les retours en arrière

Ils sont fréquents dans le roman. On n'en fera pas un inventaire exhaustif si une étude spectrale, mais en donner un panel éclairant et quelques indications pour les retrouver assez facilement dans le texte. Ce qu'il faut tout de suite retenir en sus de cela, c'est que ces retours en arrières, qu'on appelle encore analepse, ralentissent le rythme du récit.

b) Le sommaire

Le sommaire est une autre variante du récit. Le narrateur l'utilise pour rapporter, ou mieux pour ranimer le passé. Son procédé trouve sa plénitude dans les messages télégraphiques.

Rivière et son passé :
Le narrateur déflore constamment le passé de Rivière. Son passé est associé à celui de Leroux, peut-être un homme de la même tempe, car étant un vieux contremaître qui travaillait depuis quarante (p. 29) C'est comme si sa vie faisait écho à celle de Leroux. Aussi dit-il à la suite de l'opinion du vieux sur l'amour : Voilà (…) ma vie est faites." (p. 30)
Son passé sonne une musique déjà entendue (p. 76), et il se rappelle ses "Dix années d'expérience et de travail" (p. 77) Cette idée, qu'il continue aussi :
"Tant de travail pour aboutir à ça! J'ai cinquante ans; cinquante ans j'ai rempli ma vie, je suis formé, j'ai lutté, j'ai changé le cours des événements…" (p. 83)
Etc.

Robineau et son passé :
Son passé est mis à nu à travers les objets qu'il étale lui-même devant Pellerin. Par là, il exhibe son intimité (p. 59). Le narrateur, prenant le relais, résume l'état de pauvreté morale dans lequel se vautre l'inspecteur (p. 60), avant de lui laisser la parole.

c) Les anticipations

Peu nombreuses dans le roman, elles sont des programmations, sinon des projections. Dans ce sens, elles sont prises en charge par le chef du réseau, Rivière (p. 177) En effet, le temps pour Rivière est secondaire : ce qui lui importe c'est la poursuite de l'action :
"Il est possible que nous ne l'attendions pas pour faire décoller l'avion d'Europe…" (p117)
Effectivement, il projette de continuer; il prophétise même :
"Le courrier d'Asunción atterrira à deux heures dix. Faites décoller le courrier d'Europe à deux heures et quart." (p 178)
Très significative, l'anticipation au dernier chapitre, où l'action va déborder la durée du roman.
"Dans une minute il franchira Buenos Aires, et Rivière, qui reprend sa lutte, veut l'entendre. L'entendre naître, gronder et s'évanouir, comme le pas formidable d'une armée en marche dans les étoiles." (p. 187)
Rivière veut "l'entendre naître"; cela fait contraste avec l'événement tragique. Mais l'accent est mis ici sur le futur.

B. Etude de l'espace

Toute action a besoin d'un espace. Il ne peut en être autrement. Dans Vol de nuit, l'espace est complexe et varie selon les perspectives. Il s'agit, pour nous, afin d'éviter les écueils que son morcellement pose, de l'étudier en se fondant sur son utilité dans l'évolution de l'action.
Avant d'aller plus loin dans l'analyse, précisons qu'il y a globalement deux macro espaces : espace aérien et espace terrestre. Il s'y ajoute un troisième espace qui, en fait, n'en est pas un réellement, du moment qu'il est le produit de l'impression, si ce n'est celui de son imagination, et qu'on appellera espace fantasmé.
Il faut dire aussi que Saint-Exupéry mêle ici un cadre réel, bien reconnaissable géographiquement à un espace fictif, imaginaire. Celui-là crée "l'illusion de réalisme", celui-ci rend l'action mythique.
Pour l'espace géographique, une carte servira de support concret.

1. L'espace aérien

Sa présentation ne laisse pas perplexe un profane de l'aviation, puisqu'il est souvent comparé à la terre ou à la mer.
L'avion "allait de ville en ville, il était le berger des petites villes" (pp. 17-18)
"Quelquefois, après cent kilomètres de steppes plus inhabitées que la mer, il croisait une ferme perdue, et qui semblait emporter en arrière, dans une houle de prairie, sa charge de vies humaines, alors il saluait des ailes ce navire." (p. 18)
Parfois l'altitude est donnée pour ancrer le récit dans la réalité. (p. 111)
Sur terre, les obstacles c'est la guerre; au ciel, ce sont les intempéries (pp. 23, 35, 42-43, 109-114…)

2. L'espace terrestre

Contrairement à l'espace aérien, l'espace terre se caractérise par son morcellement : la Compagnie, les maisons, les villes, les pays ou escales. La Compagnie se subdivisant même à son tour en bureaux, poste et terrain d'atterrissages.
La Compagnie, est un réseau au sens plénier du terme. Il y a une relation d'interdépendance entre les lieux qui la composent, et le noyau c'est le bureau de Rivière.
Citons un escale (p. 18), un terrain d'atterrissage (pp. 27, 33), un hôtel (pp. 59-61)
Les bureaux en ville (pp. 48, 57, 58, 59, 89, 101, 152, 175, 182, 188)
Les maisons (p. 93) et (p. 125)

jeudi 5 juin 2008

Vie et oeuvre
Né en 1953, Amadou Koné est professeur de lettres à l’université d’Abidjan. Il écrit des théâtres, Le respect des morts, De la chair au trône, une nouvelle Les liens et des romans dont celui-ci que nous parcourons pour vous, écrit à 18 ans. Aussi lira-t-on de lui Jusqu’au seuil de l’irréel et Le cycle du pouvoir des Blakoros.

Résumé
Ebinto était d’un village Akounougbé et étudiait en classe de troisième à Bassam. Dans la maison où il logeait il se lia à une fille Monique qui l’aimait. Une nuit, alors qu’il n’avait pas fermé sa porte, Monique vient le réveiller pour qu’il ferme sa porte, et elle était désirable, elle coucha avec Ebinto. Cependant Ebinto tomba amoureux Muriel, une fille qu’il avait malmenée en début d’année. Mais même s’il l’a embrassée, Muriel lui dit préférer s’en limiter à l’amitié, ce qu’elle lui écrit dans une lettre dans laquelle elle lui annonçait également qu’elle allait poursuivre ses études en France. Pas encore remis de ce coup du destin, la lettre de Monique qui était arrivée en même temps lui annonce qu’il serait le père de l’enfant de Monique, et que son père menaçait de la renvoyer de la maison et que si Ebinto ne l’épousait pas il porterait plainte. La mère d’Ebinto est favorable au mariage d’Ebinto avec Monique car dit-elle la fille l’aime et qu’en plus elle est vieille et a besoin d’aide. L’élève brillant qu’il était devait trouver un travail difficilement comme contremaître d’un certain M. Rouget près d’Ayamé. Là il vit avec sa femme, et ne lui adresse à peine la parole, et agit méchamment avec les employés. Sa femme malade de solitude et d’abandon va avorter. Mais remise à peine, Ebinto lui tombe malade. Il prend conscience de son injustice et demande pardon à sa femme qui va essayer de s’enfuir loin de lui. Il la retrouve dans une gare seule la nuit, la ramène et commence à vivre u bonheur immense. Mais c’est en allant en congé à Akounougbé qu’elle va rencontrer la mort en se noyant dans le fleuve durant la traversée malgré les efforts surhumains de son mari. Celui-ci va presque sombrer dans la folie.
Etude suivie à partir de quelques extraits
Ebinto n’avait que deux amis Koula et Bazié.
« Chez moi, le rêve côtoie la réalité et corrige ses côtés négatifs ; Et je ne rêve pas, je vois la vie autrement », dit Ebinto à son amie Monique. (p.19)
« Les livres, c’est toujours la même histoire : un garçon qui aime une fille et patati et patata. Ca sert seulement à aiguiser la sensibilité et à faire souffrir. C’est pourquoi je ne lis jamais », termine Bazié, ami d’Ebinto. (p.27)
« Jette mon livre, dis-toi bien que ce n’est là qu’une des milles postures en face de la vie, choisis la tienne » André Gide cité par Ebinto (p.36)
« Moi, je l’aimais et je voulus passer du stade de l’amitié à celui de l’amour. Elle s’en rendit compte et me dit de ne pas confondre les deux choses. Elle me cita Hugo : « (L’amitié) c’est être frère et sœur, deux âmes qui se touchent sans se confondre, les deux doigts e la main. » « L’amour c’est être deux et n’être qu’un. Un homme et une femme qui se fondent en un ange. C’est le ciel. »
« Souvent j’étais avec Muriel toujours prêt à lui déclarer ma passion. Mais un geste, un simple coup d’œil de Muriel m’imposait un silence dans lequel je ne pouvais plus vivre ; Pourquoi cette jeune fille me tolérait-elle si elle ne m’aimait pas ? Etait-ce pour ne pas me blesser ou pour flatter son amour-propre ? En tout cas je ne me sentais pas l’âme de ces amoureux de l’époque précieuse en France et qui faisaient la cour à une femme pendant vingt ans avant d’avoir une réponse. » (p.42)
« Je vis Muriel avec Azari, le fils d’un médecin. Je n’entendais pas ce qu’ils se disaient mais ils semblaient s’entendre très bien. Muriel souriait à Azari. Les yeux de la jeune fille avaient ce même éclat que ceux de Monique quand elle me parlait.
« J’étais là, comme un étourdi par la vue de ces deux jeunes gens parfaitement heureux à mes dépens… Pourtant devais-je capituler, rester sur ma défaite et perdre Muriel ? Ne pas lutter ? Mais comment lutter ? L’amour ne demande ni force physique ni intelligence. » (p.43)
Devant eux, c’est Azari qui parle :
« - La plèbe est en branle-bas, dit-il à Muriel qui était très sérieuse
« -qu’est-ce qui se passe, Ebinto ? me demanda-t-elle d’une voix légèrement tremblante.
« -Je suis venu te chercher.
« Oh ! là, là, ricana Azari. C’est la révolte du prolétariat.
« (…) – Vois-tu, Azari, je ne déteste personne parce qu’il est riche et je ne tolère pas qu’on me méprise parce que je suis pauvre. Mais je te mets en garde dès maintenant : je neveux pas que tu tournes autour de Muriel. » (p.44)
« On est sublime quand on a le courage de lutter loyalement pour ce qu’on aime » Muriel dit-elle à Ebinto. (p.45)
« La providence, répondis-je, philosophe, prend quelquefois le malin plaisir de torturer certaines pauvres gens. Il y a trois jours, quand je vous ai vu à côté du musée, vous veniez de quitter votre chambre d’hospitalisation. Maintenant c’est au tour de madame votre femme ; demain, sans doute, ce sera celui de monsieur votre fils. C’est à croire que l’hôpital vous plaît… Si vous m’en croyez, monsieur, vous abandonneriez votre existence absurde, vous achèteriez une machette et iriez vous faire embaucher dans une plantation de café. Vous gagneriez honnêtement votre vie.
- Moi, travailler aux champs ! Et à qui laisser Abidjan ? Il semblerait que la vie s’est arrêtée.» (p.60
« Mon unique fenêtre donnait derrière la maison, sur une espèce de minuscule dépression toujours inondée pendant la saison des pluies et que j’appelais mon « lac ». Mais ce qui faisait surtout mon orgueil, c’était ma petite bibliothèque. (…) Cette bibliothèque contenait une soixantaine de livres…
J’avais réservé la deuxième (étagère) à mes auteurs préférés et le grand Hugo y avait une place de choix. A côté de lui, il y avait Balzac, Saint-Exupéry, Mauriac et parmi les Africains David Diop, Birago Diop et Dadié. (…) aux côtés de Richard Wright, des sœurs Brontë, de Vallès, Pierre Benoît et de Morris West. Il y avait aussi des romans pour enfants d’Enid Blyton, de la comtesse de Ségur, etc. » (pp.63-64)
Deux lettres arrivent chez Ebinto pendant les vacances dans son village natal, Akounougbé. La lettre de Muriel qu’il ouvre d’abord et lit une séparation de celle-ci pour conserver leur amitié et puis elle partait poursuivre ses études en France. Ebinto est affligé. « J’ai relu plusieurs fois la lettres de Muriel. J’ai essayé de comprendre chaque mot, j’ai cherché à saisir un message secret qui me fût favorable. Mais il fallait que je fusse bien idiot pour ne pas comprendre que ce message était la sentence fatale. Muriel ne m’aimait pas. » (p.66)
Voilà un beau conseil pour un cours de commentaire de texte. Afin de comprendre le message, il faut lire entre les lignes, ce que le narrateur-récepteur de cette lettre veut faire : lire plusieurs fois, trouver le sens de chaque mot.
La deuxième lettre est celle de Monique lui annonçant qu’elle était enceinte de lui, son père allait la renvoyer de la maison, et lui Ebinto, s’il ne l’épousait pas, il le ferait mettre en prison.
« Ma pauvreté, j’en étais digne et m’en enorgueillissais, mais je compris ce jour-là qu’il était triste d’être pauvre. Etait-ce donc vrai que "l’argent c’est la vie" comme le disait Vautrin ? (p.67)
Adresse au lecteur, façon de trouver un complice ou un soutien « Ce soir-là, j’eus à parler à ma mère. Je lui racontai tout ce que tu sais, lecteur, sur Muriel, Monique et moi-même.
- Cette fille t’aime infiniment, me dit ma mère en parlant de Monique. Elle fera ton bonheur. » (p.70)
Cette situation est comme celle qu’on lit dans Andromaque de Jean Racine : Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque (qui aime toujours son défunt mari Hector et son fils Astyanax) Monique aime Ebinto qui aime Muriel qui aime l’amitié avec Ebinto.
Le destin se joue ainsi d’Ebinto tout comme il se jouait des héros de l’antiquité.
Sa mère insiste pour qu’il épouse la fille.
« Nous sommes la génération de la transition entre deux civilisations. Nous sommes la génération du sacrifice. Un de mes jeunes camarades européens m’avait dit au collège que nous, jeunes Noirs, nous inventions nos problèmes, nos malheurs. J’ai répondu que s’il avait compris René, il n’y avait pas de raison qu’il ne nous comprenne pas. » Ce passage confirme la thèse contenue dans le livre de Cheikh Hamidou Kane L’aventure ambiguë dans lequel Samba Diallo a été le sacrifice.
« Jusqu’ici, j’avais considéré les hommes avec amour. La colère d’être un rien du tout m’ouvrit une autre voie : le MAL. Et, curieusement, je me souvins de Maldoror qui « fut bon pendant ses premières années » et qui « s’aperçut ensuite qu’il était né méchant : fatalité extraordinaire ! »
Les conseils de M. Rouget le chef de la plantation où Ebinto est engagé comme contremaître : « Voyez-vous, Ebinto, la vie n’a pas été facile avec moi. J’ai été dur avec elle. J’ai prévenu les coups. » (p.80) Il lui raconte la ruine et la mort de ses parents dans la décolonisation.
M. Rouget lui dit que « le bonheur consiste dans l’égalité des désirs et des forces » (p.88) En fait il cite Fromentin. Ebinto revient à Hugo et évoque « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent » (p.88)
Après avoir fait souffrir Monique par son indifférence, celle-ci avait fini par avorté lors d’une maladie, malgré l’aide de la femme d’un de se employé. Ce fut au tour d’Ebinto de tomber malade, Monique s’occupe de lui, lui faisait faire des promenades dans sa convalescence.
Ebinto s’inspire de nouveau de ses lectures : Les Misérables de Hugo. Il demande à Monique de lui lire « Elle se mit à lire, à parler de la misère humaine que Hugo a si bien peinte » (p.92) « Bien sûr Jean Valjean est un misérable ; Javert aussi ; Thénardier pis encore. Seulement, il y a des nuances de leurs misères. Certains essaient de sortir de la boue dans laquelle la nature les a mis, de lutter pour le bien et atteindre un certain idéal : ainsi Jean Valjean. D’autres croient toucher à l’idéal mais sans le savoir, ils sont misérables par leurs agissements inhumains : Javert par exemple. D’autres par contre plongent tête baissée dans le crime et connaissent la misère sous toutes ses formes : c’est le cas de Thénardier. Mais moi, en quoi étais-je comparable à ces personnages ? (92)
Philosophie : « Le chant du cygne » Platon dans Phédon : « Quand ceux-ci (les cygnes) sentent en effet venir l’heure de leur mort, le chant qu’ils avaient auparavant, ce chant se fait alors plus fréquent et plus éclatant que jamais, dans leur joie d’être sur le point de s’en aller auprès de Dieu dont ils sont les servants. Mais les hommes avec leur effroi de la mort calomnient jusqu’aux cygnes : ils se lamentent, dit-on, sur la mort ; la douleur leur inspire ce chant suprême ». « Tout est si absurde » (p.93)
Dans la 3ème partie, Monique, allée chercher du ravitaillement décide de partir. Elle laisse une lettre tenue au jour le jour à Ebinto. « J’ai décidé de lutter pour défendre mon amour » disait-elle (p.97)
« Ah, le mariage ! Il m’avait surprise, mais j’étais arrivée à en avoir une certaine idée. Il m’apparaissait comme un pacte dans lequel chacun des deux conjoints s’engage à comprendre l’autre en toutes circonstances et à lui pardonner si possible ; un pacte où la vérité doit subjuguer les discussions mesquines, où l’amour seul doit triompher. » (p.104). Ce passage est une page intertextuelle d’Une vie de Maupassant.
Celui-ci le lit et voit l’amour de la fille, et ses sentiments vrais s’en reviennent, il trouvera un vélo pour aller retrouver la fille à la gare, la nuit seule. Il la ramène et commence à rattraper le temps perdu, mais le temps est déjà perdu pour eux deux. Durant des congés pris ils décident de passer ça au village d’Ebinto. La nuit dans le fleuve à traversé, Monique tombe de la pirogue, car Ebinto l’avait quittée pour prendre une bouée de sauvetage et en ce moment l’orage redoubla. Sauvé par des pêcheurs, Monique est morte et elle sera enterrée par les siens. Ebinto est comme fou, sifflotant.
Comparaison entre Javert et Thénardier (p.107) mais aussi avec Vigny. « J’ai pleuré de me savoir plus méprisable que Javert et Thénardier pour m’être acharné lâchement sur une jeune fille qui avait commis le « crime » de m’aimer follement. » « Gémir, pleurer, prier est également lâche » célèbre idée de Vigny. (p.107)
Dans sa tentative de gagner la berge avec sa femme Monique, dans l’obscurité de la nuit et l’orage, Ebinto : « Courage, encore une brasse ; oui, une autre ; voilà, comme ça, continue » Chaque brasse me coûtait un effort surhumain, mais il fallait toujours en recommencer une autre, puis une autre encore ». (p.122) Pour l’effort surhumain afin de se sauver, voir aussi Antoine de Saint-Exupéry dans Terre des hommes, où Guillaumet fait des pas, encore des pas pour se sauver.

Amadou Koné, Les frasques D’Ebinto, Hatier-Paris, 2000.

mardi 3 juin 2008

Etude : L’amour dans Madame Bovary de Gustave Flaubert

Introduction

Etudier l’amour dans Madame Bovary est déjà essayé de comprendre le roman puisque cette œuvre est fondamentalement un livre sur l’amour, sur l’amour d’Emma. Qu’est-ce que l’amour pour l’héroïne Emma ? Qu’est-ce que le bonheur ? Qu’est-ce que le mariage ? Le désir, le plaisir, l’érotisme ? Autant de thèmes qui ont valu la condamnation du livre par les censeurs de la moralité. Comment alors saisir l’âme d’Emma dans une telle étude ? Comment la juger ? Pour répondre à toutes ces questions nous verrons tour à tour l’amour romantique d’Emma, l’expression de l’amour dans le mariage et la relation entre amour et bonheur.

I. L’amour romantique d’Emma

1- l’amour, un remède à l’ennui

Emma s’ennuie, du début à la fin du roman, elle s’ennuie. Jeune fille vivant seule avec son père dans un village perdu au plus profond de la France, elle s’ennuie en rêvassant à sa scolarité dans un couvent parisien et aux amours décrits dans les romans qu’elle lit, dont Paul et Virginie. Elle attendait le prince charmant.
Elle rencontre Charles Bovary, médecin de la région venu soigner son père et accepte de l’épouser, croyant enfin avoir rencontré CE GRAND AMOUR auquel elle ne cesse de penser.

2- La satisfaction d’un amour

Madame Bovary a trouvé l’amour qu’elle cherchait, mais à chaque fois, il lui filait entre les doigts.
Au fond le seul vrai amour qu’elle a eu, ou du moins qu’elle voulut avoir, est dans ses lectures. Aussi le narrateur peut-il dire : « Elle était l’amoureuse de tous les romans, l’héroïne de tous les drames, le vague Elle de tous les volumes de vers. ».
Son amour pour sa fille Berthe même était douteux, tellement elle réservait son cœur au prince de ses lectures, autant dire de ses rêves, de son imagination : « À mesure que ses affections disparaissaient, il se resserrait plus étroitement à l’amour de son enfant. »

II. L’amour dans le mariage

1- L’amour conjugal

Charles quant à lui a connu cet amour qui lui a tété infernal. En effet, après ses études, il s'installe à Tostes et épouse une veuve de quarante-cinq ans, riche, mais laide et autoritaire, Mme Dubuc. Elle a une passion démesurée pour Charles et le surveille constamment. Sa vie de couple devient ainsi un vrai cauchemar jusqu’à la mort de cette dernière, à cause de sa ruine causée par un notaire.
S’agissant d’Emma aussi, elle n’a pas non plus trouvé l’amour qu’elle espérait dans le mariage. Aussi tombait-elle dans la solitude et l’ennui.
Dans ce livre, semble-t-il, cet amour est impossible, ce qui justifie que M. Homaïs les prononce séparément parlant à sa femme : « – L’amour… conjugal ! dit-il en séparant lentement ces deux mots. Ah ! très bien ! très bien ! très joli ! Et des gravures !… Ah! c’est trop fort ! »

2- La désillusion dans l’amour

Mais le désenchantement arrive bien vite et Emma se retrouve prisonnière d’un mariage avec un homme médiocre et d’une vie morne loin des fastes parisiens auxquelles elle aspirait. Là commence la descente aux enfers d’Emma Bovary, qui se compromettra par de multiples liaisons et une folie dépensière. Jusqu’à l’issue fatale que nous connaissons tous.
La déception amoureuse est donc celle de quelqu’un qui cherche un amour qu’il a vu décrit dans les livres et qui souffre de ne pas le trouver.

III. Amour et bonheur

1- l’érotisme

Qu’est-ce que l’amour ? et le bonheur ? Cette recherche du bonheur dans l’amour se confond chez Emma avec le désir qui reste un désir, c’est-à-dire jamais satisfait entièrement. Elle n’arrive qu’à vivre l’érotisme avec les hommes en qui elle pense trouver le prince de ses rêves.
La première rencontre entre Charles et Emma, quand tous deux cherchent la cravache qu'a oubliée le médecin chez le père Rouault est une scène chargée d’érotisme.
Pour se faire désirer, Emma savait être persuasive, usant d’érotisme telle une prostituée qui se vend à l’homme « Emma continuait avec des gestes mignons de tête, plus câline qu’une chatte amoureuse ».

2- l’adultère

Emma croit atteindre par l’adultère le monde romanesque que ses lectures lui ont mis en tête : elle « retrouv[e] dans [celui-ci] les platitudes du mariage » mais elle n’en continue pas moins à « écrire des lettres amoureuses, en vertu de cette idée, qu’une femme doit toujours écrire à son amant » (III, 6). Aussi Emma n’éprouvait aucun remord à vivre dans l’adultère et « Elle se répétait : « J’ai un amant ! un amant ! » se délectant à cette idée comme à celle d’une autre puberté qui lui serait survenue. »
Victime de ses lectures, elle accepte donc l’adultère : « Alors elle se rappela les héroïnes des livres qu’elle avait lus, et la légion lyrique de ces femmes adultères se mit à chanter dans sa mémoire avec des voix de soeurs qui la charmaient »
L’ennui continue d’être le lot quotidien d’Emma. Le couple va s’installer ensuite à Yonville, bourgade plus importante où ils compteront parmi les notables, entre l’ambitieux pharmacien, Homais, le curé Bournisien, le notaire et son jeune clerc, Léon Dupuis. La naissance d’une petite fille Berthe ne lui procure pas plus le bonheur espéré et Emma se laisse bercer par les regards amoureux du jeune Léon. Ce n’est qu’après le départ de celui-ci qu’elle connaît enfin la passion tant attendue. Un riche propriétaire des environs, Rodolphe Boulanger, fait d’elle sa maîtresse et Emma se jette avec fougue et sans réfléchir dans l’amour adultère. Emma en arrive même à mépriser son mari et cherche le moyen de s’enfouir avec son amant Rodolphe. Ce projet romanesque ne plaît guère ou effraye celui-ci, qui l’abandonne. Et lui écrit ceci : « Je serai loin quand vous lirez ces tristes lignes ; car j’ai voulu m’enfuir au plus vite afin d’éviter la tentation de vous revoir. » Désespérée, et accuse la lâcheté de celui-ci et reprend un peu vie grâce à Léon, retrouvé par hasard à Rouen. Cette deuxième liaison la pousse à contracter dette sur dette auprès d’un marchand faussement généreux, Lheureux. Celui-ci, pour récupérer son argent, menace de saisir ses biens mobiliers mais Emma se suicide avant une telle déchéance. Impuissant à faire face à cette situation, Charles meurt de chagrin, non sans avoir pardonné à sa femme.

Conclusion

Ce roman réaliste est plein de romantisme et de romanesque. Tout se concentre dans le personnage typique d’Emma. Cette quête qu’elle entreprend dans l’amour, on l’a vu est impossible, car elle a conduit l’héroïne vers la mort. Est-ce un avertissement lancé par Flaubert ou une accusation contre les hommes ? On a les arguments d’y croire d’autant plus que la lâcheté des hommes est souvent mise en cause. Charles qui est trop plat, terre à terre, Rodolphe qui se défile au dernier moment pour abandonner Emma, Le Clerc qui la ruine sont autant de personnages indigne de l’amour que leur porte cette femme passionnée.

dimanche 25 mai 2008

Sujets d'exercice des Terminales pour 2ème composition 2008

Sujet : « Oui, oui mille fois la poésie est un cri mais cri habillé » dit Max Jacob.
La poésie est dénonciation, révolte, engagement, mais grâce à l’ingéniosité, à la technique et au style du poète, tout cela se présente de façon déguisée, masquée.

Sujet : « Quand il n’est pas songe, le roman est mensonge » Julien Gracq.
Le roman est une œuvre issue de l’imagination, et en tant que telle, il est synonyme de rêve, et même parfois rêve, donc on est dans le domaine du l’illusion, de l’irréalité, de la fiction, du mensonge. Mensonge, car prétendant dire la réalité et la vérité, le roman n’en dit pas tout, et peut en dire plus ce qui est mensonge dans tous les cas.

Sujet : « Le théâtre est un point d’optique. Tout ce qui existe dans l’histoire, dans la vie, dans l’homme, tout doit et peut s’y réfléchir sous la baguette magique de l’écrivain »
Etant donné que c’est la vie qui est théâtralisée, la façon de la montrer constitue une vision particulière du monde, de l’histoire ; une vision relative du dramaturge. Se pose la fonction divine du dramaturge.

Sujet : « L’homme s’ennuie (…) c’est pour cela qu’il va au théâtre »
On va au théâtre pour libérer le stress, oublier les problèmes sérieux de la vie en assistant au divertissement, aux réjouissances. Manière de s’évader hors des vicissitudes de la vie. Les leçons de ces pièces nous aident ainsi supporter les ennuis et à les dépasser, à les oublier.

Sujet : Commentez et discutez ce jugement de Camus : « La vraie création romanesque utilise le réel et n’utilise que lui, avec sa chaleur et son sang, ses passions ou ses cris. Simplement elle y ajoute quelque chose qui la transfigure. »

Le vécu – l’expérience et les sentiments vrais – est le point de départ des histoires des romans. Le roman traduit le rythme de la société, la critique, la soulage de ses maux
Mais la fiction complète cette réalité, elle la rend complète, car la vérité est nue, imparfaite, incomplète

Sujet : « Que cherchent les romanciers à travers les réalités qu’ils essaient d’exposer ?
Expliquer, exposer, justifier un ou des fait(s), la vraie face du monde. Elucider leur sentiment personnel, se soulager d'un poids de conscience, se confesser auprès des autres, les lecteurs (exempl: mémoires et autobiographies).

Sujet : « Les poètes sont souvent inspirés par leurs voyages. Est-ce toujours le voyage réel qui est leur sujet de prédilection ? »
Deux types de voyages, le voyages réel, physique du poète est source d'inspiration (exemple: Du Bellay "Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage"; Senghor le poème "New York", Césaire "retour au pays natal", ) voyage imaginaire comme fuite, évasion (Lamartine, Apollinaire, etc.)

Sujet: "L'art n'est pas la réalité mais quoi qu'on puisse faire on est obligé de passer par les éléments qu'il fournit"
L'oeuvre d'art est déjà présente dans l'oeuvre réelle, qui contient ses éléments. L'artiste est donc celui qui peut voir dans l'objet ou le sujet réel la matière d'une oeuvre d'art. L'art n'est donc pas un ornement mais un instrument. Avant de créer alors il faut s'inspirer et s'impreigner de l'oeuvre
Des citations à l'appui:
« Ecrire, c’est toujours refuser le monte tel qu’il est » Albert Camus

« Une oeuvre d’art est un coin de la création vu à travers un tempérament » Emile Zola

« Toute œuvre d’art est un beau mensonge » Stendhal

« L’œuvre d’art, c’est une idée qu’on exagère » André Gide

« L’art est un anti-destin » André Malraux
« Le personnage, "c'est un état de la conscience de l'auteur, qui se prolonge, par un miracle de poésie, dans la sympathie d'innombrables lecteurs. » André Malraux

« L’art pour l’art est beau mais l’art pour le progrès est plus beau encore » Victor Hugo

« Le but de l’art, c’est le beau avant tout » Gustave Flaubert

« Le seul domaine où le divin est visible est l’art, quelque nom qu’on lui donne » Charles Baudelaire

« Les grands artistes sont ceux qui imposent à l’humanité leur illusion particulière » Guy de Maupassant

« Le seul écrivain engagé est celui qui, sans rien refuser du combat, refuse de rejoindre les armées régulières » Jean Paul Sartre

« L’art du roman c’est de savoir mentir » Louis Aragon

« Quand il n’est pas songe, le roman est mensonge » Julien Gracq

« La littérature est le lieu de rencontre de deux âmes » Charles Du Bos

« J’appelle un livre manqué, un livre qui laisse le lecteur intact » André Gide


Il affirme le désir d'unité des hommes et pense que le roman permet de trouver cette unité.
"Le monde romanesque n'est que la correction de ce monde-ci, suivant le désir profond de l'homme." Camus, L'homme révolté (1951)

Etude de Les Fourberies de Scapin de Molière

Introduction

Cette comédie en 3 actes et en prose a été créée au Palais Royal le 24 mai 1671. Elle s’inscrit dans la tradition de la comédie italienne de la commedia dell' arte dans laquelle Molière a déjà excellé au début de sa carrière avec l'Étourdi en 1655, et vient à la suite des grandes pièces telles que Tartuffe en 1664, Dom Juan en 1665 et Le Misanthrope en 1666). Elle ne connaît lors de sa création qu'un faible succès. Il est alors reproché à Molière la grossièreté de ses procédés comiques et l'immoralité du sujet et l'exagération des caractères des personnages.

I. Les personnages

Scapin Valet de Léandre. C’est un personnage fourbe et très rusé. Il a toujours une idée pour régler une situation. (hypocrite et sournois)
Sylvestre Valet d'Octave
Octave Fils d'Argante et amant de Hyacinte.
Léandre Fils de Géronte et amant de Zerbinette
Hyacinte Fille de Géronte et amante d'Octave
Zerbinette Une Égyptienne, reconnue plus tard fille d'Argante et amante de Léandre
Argante Père d'Octave et de Zerbinette
Géronte Père de Léandre et de Hyacinte
Nérine Nourrice de Hyacinte
Carle Un personnage également fourbe

II. Résumé

Octave a peur, car il vient d’apprendre par son valet Sylvestre que son père Argante et Géronte, le père de son ami Léandre, rentrent d’un voyage avec l’intention de le marier avec la fille de Géronte.
Or Octave est tombé amoureux de Hyacinthe, une jeune fille très pauvre qu’il a rencontrée alors qu’il accompagnait Léandre auprès de sa bien aimée, le belle égyptienne Zerbinette.
C’est alors que le personnage de Carle entre en scène. Il informe Léandre que les Egyptiens ont enlevé Zerbinette et qu’ils lui réclament une rançon de cinq cent pistoles. Léandre est désespéré.
Les deux pères apprennent les amours de leurs fils et en sont très fâchés. Octave et Léandre s’en vont chercher l’aide de leur plus fourbe valet Scapin.
Afin de convaincre Argante d’accepter le mariage de Hyacinthe et Octave, il lui raconte que son fils a été marié de force par la famille de son épouse. Argante veut intenter un procès à la prétendue famille pour casser le mariage. Afin de l’en empêcher, Scapin invente le personnage du cruel frère de Hyacinthe qui n’hésiterait pas à défendre son honneur par le duel à l’épée. Scapin réclame au nom de ce soi-disant frère la somme de deux cent pistoles pour annuler le mariage. Pour lui voler cette somme, il impressionne Argante en faisant passer Sylvestre déguisé pour le beau frère de la jeune épouse. Apeuré, le vieil homme prétend être son propre ennemi.
Afin d’obtenir la somme nécessaire à Léandre pour libérer Zerbinette, il trompe Géronte, en lui laissant croire que son fils a été enlevé par une galère turque. Il raconte que les occupants de l’embarcation réclament au père du jeune homme cinq cent pistoles. Mais Géronte est avare et ce n’est qu’après maintes négociations qu’il accepte de confier le précieux argent à Scapin.
Cependant Scapin veut punir Géronte de son ingratitude envers son fils Léandre. Il lui dit que le prétendu frère de Hyacinthe le recherche pour le tuer car il souhaite remplacer la jeune femme par sa propre fille auprès d’Octave. Simulant l’arrivée de l’homme, il cache Géronte dans un grand sac et le roue de coups, mimant un combat acharné.
Géronte rencontre Zerbinette qui, sans savoir à qui elle s’adresse, lui révèle tout le secret de sa libération. Argante lui aussi découvre la supercherie. Tous deux veulent punir Scapin de leur avoir joué un si mauvais tour et de les avoir escroqués de l’argent.
Géronte décide de faire venir sa fille de Tarente où il l’avait tenue à l’écart afin de la marier à Octave. Or celle-ci a disparu, et seule sa nourrice Nérine est au rendez-vous. Elle annonce à Géronte que sa fille s’est mariée sans le consentement de son père à un jeune homme du nom d’Octave.
Hyacinthe et Géronte se retrouvent. Elle défend auprès du vieil homme la cause de Zerbinette dont elle est devenue l’amie. Argante arrive et reconnaît en Zerbinette sa propre fille enlevée durant son enfance par les égyptiens.
Alors qu’un instant auparavant, les deux pères ne pensaient qu’à punir Scapin de ses entourloupes, Carle entre à nouveau en scène et annonce que Scapin est gravement blessé. Il est suivi de près par le valet porté par deux hommes. Scapin qui simule sa mort par suite d’un accident pour arracher le pardon des vieillards : il a la tête entouré d’un bandage et il hurle à tue tête qu’il souffre et va mourir. Devant ce coup de théâtre, tous lui pardonnent ses fourberies.

III. Résumé par acte

Acte I.

Scène 1 : Octave apprend par Sylvestre que son père est de retour et entend le marier.
Scène 2 : Octave raconte à Scapin qu'en l'absence de son père, il s'est marié à Hyacinte, et que son ami Léandre, fils de Géronte, est tombé amoureux d'une jeune Egyptienne.
Scène 3 : Hyacinte et Octave implorent Scapin de leur venir en aide. Scapin accepte.
Scène 4 : Seul face à Argante, Scapin défend la cause d'Octave. Mais Argante reste décidé à faire annuler le mariage.
Scène 5 : Scapin déclare à Sylvestre qu'il a déjà un plan. Sylvestre devra se déguiser en " méchant garçon ".

Acte II.

Scène 1 : Géronte apprend d'Argante que son propre fils, Léandre, s'est mal conduit.
Scène 2 : Géronte rencontre son fils Léandre qui se défend maladroitement.
Scène 3 : Léandre insistant pour qu'il avoue son crime, Scapin avoue trois crimes, mais se déclare innocent de celui dont on l'accuse.
Scène 4 : Carle annonce à Léandre qu'il doit verser une rançon pour ne pas perdre Zerbinette. Désespéré, Léandre implore alors l'aide de Scapin.
Scène 5 : Scapin commence par Argante. Il invente un frère de Hyacinte, spadassin, qui n'accepterait de voir le mariage de sa sœur annulé que si on lui offre deux cents pistoles. Argante refuse.
Scène 6 : Arrive le spadassin en personne - Sylvestre déguisé. Argante donne les deux cents pistoles.
Scène 7 : Scapin s'attaque alors à Géronte. Il lui raconte que son fils vient d'être enlevé par des Turcs, qui ne le restitueront que contre une rançon de cinq cents écus. Géronte finit par céder.
Scène 8 : Scapin retrouve Octave et Léandre et leur annonce qu'il a accompli sa mission.

Acte III.

Scène 1 : Zerbinette et Hyacinte discutent sur la condition des femmes, mais Scapin se sépare du groupe pour aller goûter le plaisir de sa vengeance.
Scène 2 : Scapin suggère à Géronte d'échapper à la fureur du spadassin en se cachant dans un sac. Le valet roue de coups son maître, mais, celui-ci découvrant la traîtrise, il doit s'enfuir.
Scène 3 : Zerbinette raconte à Géronte, dont elle ignore l'identité, comment Scapin lui a volé son argent.
Scène 4 : Sylvestre révèle à Zerbinette l'identité de l'homme à qui elle vient de parler.
Scène 5 : Après Géronte, Argante exprime son intention de se venger des fourberies dont il a été victime.
Scène 6 : Argante et Géronte réaffirment leur ressentiment. Aux tourments de Géronte s'ajoute la crainte que sa fille n'ait péri dans un naufrage.
Scène 7 : Nérine, la nourrice de Hyacinte, explique à Géronte que, sous la pression des événements, elle vient de marier la jeune fille à … Octave !
Scène 8 : Sylvestre informe Scapin des derniers développements de la situation et le met en garde.
Scène 9 : Géronte se réjouit de retrouver sa fille.
Scène 10 : Argante explique à Octave que la fille de Géronte qu'on voulait lui faire épouser n'est autre que Hyacinte. Mais Géronte continue de s'opposer au mariage de Léandre avec Zerbinette.
Scène 11 : Argante reconnaît en Zerbinette sa propre fille.
Scène 12 : Carle annonce que Scapin vient d'être victime d'un accident mortel.
Scène 13 : C'est en fait une nouvelle fourberie qui permet au valet d'arracher le pardon à Argante et Géronte.

IV. Les thèmes

V. Les techniques du comique

Les accessoires utilisé pour faire rire sont simples : une bourse, un sac, un bâton.
1. Le comique de situation : Le « tour du sac » est souvent utilisé dans la commedia dell’arte dont le valet Scapin (Scappino en italien) est issu. Scapin pour se venger de Géronte use de la ruse qui consiste à contrefaire la voix d’ennemis imaginaires pour tromper et battre en toute impunité Géronte, maintenu, aveugle et impuissant, dans un sac.
Il se donne à la fois le rôle du serviteur dévoué et celui de malfaiteur. Géronte tient aussi son rôle avec docilité dans cette mascarade dont il est la victime

2. Le comique de gestes : Les didascalies décrivent non seulement les jeux de scènes mais aussi les changements de voix de Scapin qui prend tour à tour un accent gascon, un accent suisse (sa transcription donne une idée de l’effet comique qu’on peut tirer de cette caricature), et les voix de « plusieurs personnes ensemble ». Scapin mime à haute voix les ennemis de Géronte ou feint de s’adresser à eux, et à voix basse lorsqu’il s’adresse au vieil homme. Et le comique réside dans l’humiliation de Géronte (il est non seulement battu mais insulté l. 3 « Sti diable de Gironte ») sous le regard complice du spectateur. La mise en scène de l’illusionniste Scapin nous propose ainsi une scène de théâtre dans le théâtre, d’autant plus que Géronte observe à la fin de la scène, comme le spectateur, le manège du valet.

3. Le comique de répétition : La répétition sont souvent de Scapin parlant à son maître : les mêmes expressions sont dites : (« Prenez garde », acte l. scène 1 et acte l. scène 25 ; « Cachez-vous bien », acte l. scène 3 et scène 30).
Un coup de théâtre met un point final à la fourberie de Scapin qui sans cela, aurait sans doute encore continué. La virtuosité d’un comédien, si brillant soit-il, a ses limites : Molière sait qu’il doit rester dans le cadre du vraisemblable.

4. Le trompeur trompé : Scapin apparaît d’abord comme un personnage tout-puissant. Son triomphe est néanmoins illusoire et de courte durée : le trompeur sera trompé dans l’acte I. Le renversement de situation provoque un nouvel effet comique (on s’imagine sans peine aussi le contraste comique entre l’agilité de Scapin et la silhouette fatiguée du vieux barbon). Géronte a eu la correction qu’il méritait (il a menti à Léandre sur le compte de Scapin) mais les bienséances réclament que le maître, tout ridicule soit-il, retrouve sa dignité de maître et châtie le valet pour son insolence.

Conclusion



Lexique difficile

Supercherie : duperie, tromperie, artifice pour tromper quelqu’un
Entourloupes : mauvais tours, piège habile.
Fourbe : hypocrite et sournois, capable de jouer de vilains tours pour tromper les gens.
Fourberies : faussetés, dissimulations, tartuferies.

Etude de Andromaque de Jean Racine

Introduction

Encore une fois dans la tragédie grecque, dont s’est inspirée Racine, la passion fatale revient, et elle empêche la raison de prendre le dessus. Après la chute de Troie, Ménélas offre sa fille Hermione à Pyrrhus, fils d’Achille, pour le récompenser de la part active qu’il avait prise à la défaire de la ville. Pyrrhus, tombé entre temps amoureux d’Andromaque, sa captive, repousse le mariage et décide de braver les grecs en épousant la veuve d’Hector (héros troyen que son père avait tué lors d’un duel). Ces situations amoureuses sont presque inextricables, et en plus la question politique est au centre du problème. L’étude de cette pièce permet alors de comprendre une partie de la mythologie grecque, et surtout après la célèbre guerre de Troie. Les personnages, le résumé, les thèmes sont autant de parties importantes qu’on peut exposer pour expliquer l’importance de cette troisième pièce tragique Andromaque publiée en 1667.

I. Histoire de la mythologie

Andromaque était la fille d'Eétion, roi de Thèbes de Troade, elle devint la femme d'Hector. Achille tua son père et ses sept frères lors du siège de Thèbes et rançonna lourdement sa mère.
Durant le siège de Troie, elle pressentit la mort prochaine de son époux qui fut effectivement tué par Achille. Après la chute de Troie, malgré sa protection, son fils unique, Astyanax, fut tué par les Grecs qui craignaient qu'une fois adulte, il cherchât à venger sa famille comme le prédisait Calchas.
Elle fut amenée comme captive par Pyrrhus qui était le fils d'Achille. Elle devint sa concubine et lui donna trois fils. Puis Pyrrhus épousa Hermione, fille d'Hélène et de Ménélas, mais ils n'eurent pas d'enfants. Alors, selon le poète Euripide, Hermione devint jalouse d'Andromaque et l'accusa de sortilèges visant à la rendre stérile.
Elle profita même de l'absence de son mari pour essayer de la tuer avec la complicité de son père. Mais grâce à l'intervention Pélée, grand-père de Pyrrhus et père du meurtrier de sa famille, elle eut la vie sauve.
Andromaque épousa ensuite Hélénos, devin troyen et fils de Priam; mais selon le récit l’Enéide de Virgile, ils étaient déjà mariés quand Pyrrhus épousa Hermione. Andromaque et Hélénos fondèrent la ville du nom de Pergame en souvenir de la citadelle de Troie. C'est là qu'ils accueillirent Enée lorsqu'il fit escale en Epire. Quand Hélénos mourut, Andromaque et son fils Bergamos fondèrent une nouvelle Pergame en Mysie.

II Présentation des personnages

Andromaque est une princesse troyenne, veuve d’Hector et mère d’Astyanax. Pour sauver son fils de la mort, elle lui substitue un autre enfant qui est tué à sa place, lors de la prise de Troie. Elle est ensuite donnée comme part du butin à Pyrrhus. Il tombe amoureux d’elle mais elle refuse toujours ses avances jusqu’à ce qu’il la menace de livrer son fils aux Grecs si elle ne l’épouse pas. Elle l’épouse finalement. Elle est tout de même fidèle à Hector et digne.
Céphise est la confidente d’Andromaque.
Astyanax est le fils d’Hector et d’Andromaque, prisonnier de Pyrrhus et héritier de l’empire de Troie.
Oreste est le fils d’Agamemnon et de Clytemnestre. Il est maudit par la famille des Atrides. Il est amoureux d’Hermione et vient à la fois pour la convaincre de le suivre et pour demander Andromaque et son fils pour les livrer aux grecs. Il est prêt à tout pour récupérer l’amour d’Hermione et il a un côté manipulateur.
Pylade est le confident d’Oreste, il l’aide à surmonter les obstacles et le raisonne. C’est un pilier de sa vie.
Pyrrhus est le fils d’Achille qui assassina la famille d’Andromaque. Il est roi d’Epire. Il doit épouser Hermione mais il est amoureux d’Andromaque et l’épouse par la suite. Il n’est ni bon ni méchant, il ne sait pas ce qu’il veut et il est un peu violent. Il est assassiné par Oreste qui exécute la volonté d’Hermione.
Phœnix est le gouverneur de Pyrrhus.
Hermione est la fille unique de Ménélas et d’Hélène. Elle est d’abord fiancée à Oreste mais promise par son père à Pyrrhus dont elle est éprise. Fière jusqu’à l’orgueil, jalouse de la gloire d’Andromaque, elle est humiliée par le dédain et la félonie de Pyrrhus qu’elle aime naïvement. La violence de sa colère, à la mesure de son dépit, l’amène à manipuler Oreste pour arriver à ses fins.
Cléone est la confidente d’Hermione.
Ménélas : père d’Hermione et mari d’Hélène
Phoenix : gouverneur d'Achille, puis de Pyrrhus

III. Résumé général de l’intrigue

Au lendemain de la guerre de Troie, Oreste, fils d’Agamemnon, est envoyé par les Grecs à la cour du Roi d’Epire, Pyrrhus. Il est chargé de réclamer deux prisonniers : Andromaque et son fils Astyanax, le seul descendant d’Hector qui puisse un jour venger son père et la destruction de Troie.
Tombé amoureux de sa captive, Pyrrhus refuse d’accéder à la demande d’Oreste. Comme celle-ci refuse ses avances, il la menace de livrer Astyanax si elle persiste à ne pas l’épouser. Or Oreste joue double jeu : il est venu avant tout pour ramener avec lui celle qu’il aime, Hermione, fille d’Hélène, qui elle, n’a d’yeux que pour Pyrrhus.
Lorsque Andromaque, cédant au chantage, accepte le mariage, Hermione, folle de jalousie, prévient Oreste qu’elle le suivra s’il tue Pyrrhus. Le Roi d’Argos s’exécute. Mais, lorsqu’il rapporte son acte à Hermione, celle-ci réagit violemment et le bannit de sa présence. La raison d’Oreste enfin, ne résiste pas au récit du suicide d’Hermione sur le cadavre de Pyrrhus.

IV. Résumé par acte

L’intrigue est simple : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector, qui est mort.
La scène est à Buthrote, ville d’Épire, en Grèce.

Acte 1 - Oreste, ambassadeur des Grecs, parvenu chez Pyrrhus, y retrouve un ami fidèle, Pylade. Il vient au nom de la Grèce pour venir exiger de Pyrrhus qu’il mette à mort Astyanax, le fils d’Hector, de crainte qu’il ne veuille un jour se venger de la défaite de Troie et de la mort de son père Hector, prince de Troie. Pyrrhus s’y refuse pour l’instant. Mais Oreste est aussi à la cour de Pyrrhus parce que l’amour de sa vie, Hermione, s’y trouve. Puis Pyrrhus parle à Andromaque ; comme elle se refuse à lui une fois de plus, il menace de livrer Astyanax aux Grecs.
Acte 2 - Oreste parle à Hermione. Elle se montre prête à partir avec lui si Pyrrhus refuse de mettre à mort l’enfant. Or Pyrrhus, qui jusque-là n’aimait pas Hermione, annonce à Oreste qu’il a décidé de lui livrer Astyanax aux Grecs et qu’il va probablement épouser Hermione.
Acte 3 - Oreste est furieux de perdre définitivement Hermione. Andromaque implore successivement Hermione et Pyrrhus de sauver la vie de son fils. Pyrrhus est prêt à changer d’avis si elle accepte de l’épouser ; Andromaque hésite.
Acte 4 - Andromaque est résolue à épouser Pyrrhus pour sauver son fils et à se donner la mort sitôt après par fidélité envers Hector. Hermione est furieuse et demande à Oreste de la venger des revirements de Pyrrhus en l'assassinant.
Acte 5 - Hermione regrette d’avoir exigé la mort de Pyrrhus, qu’elle aime. Survient Oreste : il vient d’accomplir la mission dont elle l’a chargé. Hermione le récompense par des injures. Oreste est pris de folie, frappé par la malédiction des horribles Erinyes. Après avoir repoussé Oreste, Hermione se donne la mort sur le cadavre de Pyrrhus.

V. Les thèmes

L’amour et la haine sont deux thèmes profondément liés. Chez Racine, l’amour est passion, souffrance, autant pour celui qui aime que pour celui qui est aimé. Chacun aime qui ne l’aime pas : Oreste aime Hermione ; celle-ci aime Pyrrhus et ce dernier aime Andromaque. Mais celle-ci ne peut pas répondre à son amour, parce que son mari a été tué par le père de Pyrrhus, Achille.
L’amour des héros est aussi fort que leur frustration, car ils ne peuvent pas être aimés en retour. Chez Hermione, l’amour est intimement lié à l’amour propre. Cela entraîne du dépit, de la jalousie et de la haine qui la détruit ainsi que son entourage : Oreste tue Pyrrhus. Le seul amour « pur » est l’amour maternel que porte Andromaque à Astyanax.
La Fatalité. Les personnages de Racine ne sont pas maîtres de leur destin, ils le portent en eux. Ils rejettent parfois comme Oreste toute responsabilité sur les Dieux.
La fidélité est représentée par Andromaque qui reste fidèle à son défunt mari. Cette fidélité entre en conflit avec le désir de sauver son fils. Elle est en effet déchirée entre son amour pour Hector et la menace de Pyrrhus qui veut tuer son fils si elle ne l’épouse pas.
La folie. Dans Andromaque, tous les personnages souffrent et ont des comportements pathologiques : Hermione a des accès de fureur sanguinaire ; Oreste va jusqu’à tuer Pyrrhus et sombre dans la folie totale en apprenant le suicide d’Hermione : (Lire Acte V, scène 1, Hermione, seule.)
La mort est présente tout au long de la tragédie. Elle sert de décor : mort d’Hector et massacre des Troyens. Elle constitue aussi l’action : Oreste vient demander la mort d’Astyanax et Andromaque souhaite se suicider pour sauver son fils. Enfin, le dénouement est marqué par le meurtre de Pyrrhus et le suicide d’Hermione.

Conclusion


Lexique difficile

Pathologiques
: comportements de malades
Frustration : de la colère, le fait de ne pas être content.

Etude de Le vieux nègre et la médaille de Ferdinand Oyono

Introduction
Le vieux nègre et la médaille publié en 1956 est une sorte de prolongement d’Une vie de boy. Dans celui-ci le narrateur-héros est un naïf enfant africain; dans celui-là, le héros Mek est un adulte naïf aussi, victime ainsi de la duplicité des Blancs. Ce roman publié durant la décolonisation est ainsi fortement inscrit dans son contexte, ce qui lui valut son succès mérité. Il est donc intéressant d’en saisir l’intérêt qui reste très actuel au moment où on parle des tirailleurs et de leur rétribution, de réparation, de souvenir, de pardon pour tout ce que le Blanc a fait aux peuples africains. La vie d'Oyono, on le sait, a été une influence dans son œuvre. Partir d’elle pour comprendre le texte semble être une voie obligée. A la suite, après avoir explicité le titre, on résumera l’histoire, et puis voir les personnages, les thèmes, l’écriture et la signification de l’œuvre.

I. Vie et œuvre de Ferdinand Oyono

1. Présentation de l’auteur


Ferdinand Oyono est né à N'Goulemakong près d’Ebolowa, au Cameroun en 1929. Il entre à l'école primaire en 1939. Plus tard il travaillera comme "boy" chez des missionnaires avec l'esprit d'aider sa mère. Il obtient son certificat d'études primaires, ce qui apporte un bonheur total à son père qui apprend la nouvelle dans le journal. Il entre ensuite au lycée d'Ebolowa avant d'aller continuer ses études en France au lycée de Provins où il obtient son baccalauréat en 1950. Il va à Paris pour y poursuivre les cours de la Faculté de Droits et de l'Ecole nationale d’administration (section diplomatique). Pendant ce temps, il utilise ses loisirs pour écrire.
Il débute en 1959 une brillante carrière de haut fonctionnaire avant de devenir ambassadeur du Cameroun dans divers postes (auprès des Nations unies à New York, en Algérie, en Libye, en Grande-Bretagne et en Scandinavie…). À partir de 1987, il participe à de nombreux gouvernements de son pays et assure la charge de différents ministères comme les Affaires étrangères ou la Culture.

2. Les œuvres

À la fin des années 50, Ferdinand Oyono publie en langue française trois romans qui ont trait à la vie quotidienne en Afrique à l'époque coloniale et qui, mettant en cause aussi bien l'administration que la police ou l'Église des missionnaires, feront scandale dans cette période de décolonisation.
Une vie de boy, publié en 1956, est centré sur le personnage de Joseph, boy du commandant blanc. Il y fait la critique et la démythification du des Blancs dont les traves sont mis à nu par le récit du narrateur enfant.
Le vieux nègre et la médaille, publié en 1956,
Chemin d'Europe, publié en 1960, raconte l'exploration plus ou moins du monde des Blancs dans une métropole africaine par un jeune homme qui veut se couper de ses racines et rêve d'Europe malgré les avertissements de son père.

II. La signification titre

Le titre choisi illustre bien cet esprit ironique et d’autodérision. L’auteur utilise le mot « nègre » terme péjoratif de connotation raciste ce qui peut paraître surprenant venant d’un écrivain noir en opposition avec le terme « médaille », terme positif, appréciatif. L’humour et l’ironie sont donc d’emblée présents dans le titre qui résume par là l’histoire du roman. Le nom « vieux » sans la présence du personnage dont il s’agit dans le roman montre une volonté universalisante de l’auteur pour mettre l’accent sur le contraste entre l’expérience et tout ce que des générations africaines ont fait : sa vie, la vie de ses enfants, ses biens, son cœur pour mériter non pas des médailles mais « une médaille ». Et quelle médaille : Méka sera bastonné la nuit même du jour qu’il a reçu cette médaille par ceux-là qui la lui ont donnée.

III. Résumé
Au début du roman, Meka doit visiter le commandant de son pays Doum et il pense que le commandant va le tuer. Mais en fait, Meka va recevoir une médaille en reconnaissance de son dévouement pour la France, d’être par conséquent « un ami des blancs. ». En effet, ses deux fils sont en combattant pour les français durant le seconde guerre mondiale et il a donné ses terres à la mission catholique. Durant la remise de la médaille le jour de la fête nationale française le 14 juillet, sa femme pleure ses deux fils et lui. Après le vin d’honneur, tous les noirs sont devenus ivres et M. Varini appelé aussi Gosier-d’Oiseau fait évacuer la salle du Foyer Européen. Dans la panique, on oublia et enferma le ivre Meka qui dormait à l’intérieur. L’orage éclate en ravageant la salle d’où sortit Meka titubant. Il perd sa médaille en allant chez Mami Titi. Il est arrêté dans la nuit, brutalisé et maltraité par des policiers trop zélés avant d’être conduit dans une prison o il sera encore humilié par Gosier d’Oiseau de qui il attendait une reconnaissance. Pendant le roman, Meka essaie d’aider des blancs et il suit des règles. Meka rentre chez lui et plonge toute la famille dans la stupeur causant pleurs et lamentations. Il se rend compte qu’il est un esclave des blancs, mais il n’essaie pas de combattre contre eux parce qu’il dit en bâillant : « Je ne suis plus qu’un vieil homme... »..

IV. Les personnages

Mis à part le héros Meka et quelques personnages, tous les autres personnages sont des personnages de faire-valoir, des silhouettes qui peuplent le roman. D’ailleurs certains personnages étaient déjà présents dans Une Vie de boy. Ils sont souvent des « personnages types » qui assument les caractères ou les souffrances d’une classe sociale, les indigènes, dont leurs rôles sont définis par la colonisation.
Meka est le héros. C’est un vieillard qui a fait la seconde guerre mondiale. Maintenant il vit tranquillement avec sa famille, même s’il a perdu ses deux fils à la guerre. Il offre ses terres à la mission catholique et a une fois à la nouvelle religion. Il est aimé du village de Doum et de sa famille qui l’assiste dans les meilleurs moments comme dans les pires, ainsi qu’il en est lorsqu’il a été maltraité par les policiers blancs.
Il y a sa femme Kelara, qui souffre pour ses fils perdus, mais aussi elle est toujours inquiète lorsque les blancs appellent son mari. Engamba le frère de sa femme et son épouse Amalia, Mvondo son neveu. Ses amis Nua et Nti. Mami Titi tient quant à elle un bar à la périphérie du quartier des indigènes, elle est également âgée.
On aussi le catéchiste africain, André Obébé qui sera chassé de la maison de Meka lorsque les blancs l'ont malmené. Le boy, et l’interprète qui sont ici des intermédiaires incontournables pour le service et la l’inter compréhension. Le tailleur Ela est un personnage « grossier », « fat » et « prétentieux » qui travaille le grec Angelopoulos ; Evina est aussi un ancien cuisinier des prêtres.
Les personnages du monde européen sont souvent caricaturés à l’image du Commandant de Doum qui va annoncer à Meka qu’on va lui remettre une médaille. Et le Chef des Blancs qui viendra de Timba.
Le Haut-commissaire de police M. Varini, surnommé Gosier-d’Oiseau, certainement à cause d’un cou qui ressemble à celui d’un oiseau, l’administrateur et organisateur de la cérémonie M. Fouconi que le narrateur décrit ainsi : « un jeune aux formes arrondies, à l’abondante chevelure noire et au large bassin que les Noirs avaient surnommé « l’à-côré-presque-femme » (p.98), le père Vandermayer. Le commerce est géré par les grecs Pipiniakis, Angelopoulos et Mme de Monroti avec la « buveuse de thé ».
Des régisseurs ou gardes de prison

V. Etude de quelques thèmes
L’œuvre aborde différents thèmes tels que l’alcoolisme, le christianisme, le colonialisme, la famille, la femme, la fête, la guerre, l’inégalité ou la ségrégation, le racisme, la tradition, la vieillesse, etc. A travers les thèmes qu’on a choisis d’étudier on constatera que les autres y sont inclus.

1. Le christianisme
Ce roman décrit les mésaventures du vieux Meka au sein de l’appareil colonial de son pays Pour le récompenser d’avoir donné ses terres à l’Eglise et ses deux fils à «la guerre où ils ont trouvé une mort glorieuse pour la France », le Haut-commissaire décide de l’honorer de la médaille de l’amitié euro-noire à l’occasion de la fête du 14 juillet. D’où le titre du roman.
Mais, au fait, la médaille est un prétexte que se donne Oyono pour révéler, à sa manière, la nature des rapports qui existent entre colonisateurs et colonisés dans la petite localité de Doum, lieu de l’action. L’action des missionnaires n’est différente de celle de leurs congénères laïcs. Oyono insiste d’une manière particulière sur le rôle inhibiteur de la religion catholique, véritable « opium du peuple », facteur d’assujettissement et de duperie. Sous le prétexte qu’elles «ont plu au bon Dieu», les missionnaires ont pris les terres de Meka. De plus, les ouvriers indigènes qui travaillent sur ces terres reçoivent pour tout salaire «le merci du prêtre, la communion ou la grâce et l’indulgence du bon Dieu ». Pourtant, même la confession n’est pas gratuite de l’autre côté! Oyono évoque aussi la ségrégation raciale que pratique l’Eglise à la Sainte Table et au Cimetière. Bref, cet écrivain jette un doute systématique sur les bonnes intentions de ceux qui prétendent sauver l’âme noire de la damnation. Il y est mis dans le même sac, laïcs et missionnaires blancs.

2. L’alcoolisme

Il joue un rôle important dans le roman. Instrument de ségrégation, l’alcool permet au narrateur de montrer que le Blanc dispose toujours pour les Noirs d’un succédané et garde le bon produit pour lui. Ainsi en est-il lors de la fête où le whisky circulait uniquement pour les Blancs. Aussi se sont-ils même retirés au Cercle Européen (p.126) chez Pipiniakis pour faire la fête. L’alcool représente également un moyen d’exploitation : on interdit la bière locale à base de banane ou de maïs pour écouler le vin importé de France. Et le prêtre se ravitaille chez les noirs en vin. (p.15) Par ailleurs, pour commettre leurs injustices, les blancs font soûler les indigènes.

3. La vieillesse
Cet âge est aussi important dans cette histoire. Le héros Méka en est un. Et beaucoup de personnages aussi comme ses amis naturellement. Ils sont tellement vieux qu’on ne connaît leur date de naissance, comme « Nua qui était comme lui sans âge. Il était sec comme une viande boucanée et avait la mâchoire continuellement en mouvement ». Il y avait aussi Nti qui était atteint d’Eléphantiasis. (p.24) Pour se convaincre on verra même que dès trente ans, Mvondô qui était le fils de sa sœur ressemblait à un vieux car n’ayant plus de cheveux, il était « comme un vieux lézard » (24)
Aussi le manque de respect et les brimades que lui font subir les policiers sont condamnables, et en Afrique le vieux est respecté. Cela témoigne de la cruauté et de la méchanceté des Blancs.

VI. L’écriture

1. L’humour et l’ironie dans le vieux nègre et la médaille

L’humour concerne tous les personnages, alors que l’ironie est faite plus souvent envers les Blancs. Dans l’ironie on voit l’implication du narrateur, alors que l’humour est entièrement prise en charge dans l’œuvre par les personnages.
On tourne en dérision notamment l’imposture, l’hypocrisie et le mensonge de l’entreprise coloniale dont sont victimes les indigènes du village de Doum, particulièrement Meka. Ainsi sont mises à nu la duplicité et la méchanceté de l’homme blanc, à travers ses représentants : le commissaire Gosier-d’Oiseau, le Révérend Père et le Commandant.
Le lecteur a plaisir à voir, par endroits, la façon dont certains personnages traitent les choses importantes tel cet interprète noir qui traduit le long discours du haut commissaire : « le grand chef blanc dit qu’il est très content de se trouver parmi vous, qu’il dit merci pour le bon accueil que vous lui avez fait. Puis il a parlé de la guerre que vous avez faite ensemble contre les autres Blancs de chez lui… et il a terminé en disant que nous sommes plus que ses amis, nous sommes ses frères, quelque chose comme ça… ». L’auteur utilise l’ironie pour faire une critique implicite de la colonisation. Même quand Meka parle on ne peut s’empêcher de sourire : «Ils ont de la chance de ne pas souffrir dans leurs chaussures » (p.100), façon de montrer qu’il ne se sent pas bien dans la culture adoptée.
Les sacrifices de Meka pour la nouvelle religion sont salués par son peuple dans un humour gai : « Pour les chrétiens de Doum, Meka était un grand favori dans la course au paradis » (p.17)

2. L’écriture mascarade
La fête nationale de la France du 14 juillet n’est rien d’autre qu’une mascarade pour encore une fois rappeler la domination de la puissance coloniale. La caricature de Meka dans son habillement européen, dans lequel il se sent mal à l’aise et en souffre au niveau des souliers montre que cette culture que ces noirs essaient d’arborer ne leur va pas.
Les proverbes dans le récit donnent une couleur locale à l’histoire. Le peuple africain dilue sa sagesse dans les proverbes : « Si ton cœur se met à battre en arrivant au terme de ton voyage, rebrousse chemin » (p.176) dit Engamba qui cherchait Meka au quartier des Blancs.
« La bouche qui a tété n’oublie pas la saveur du lait » (p.17)

3. Le merci du Blanc
L’hypocrisie du Blanc se comprend par le mot merci quand on considère le verbe « remercier » qui est polysémique. Il s’agit au-delà du fait qu’il signifie la bénédiction d’une action, d’une action de chasser quelqu’un poliment souvent. Ainsi en est-il de Meka qui reçoit de la part du Blanc suite à ce qu’il a fait pour eux, une médaille en fait de remerciement dans le sens de « on n’a plus besoin de toi car tu es vieux et tu n’as rien a donné ». Cela se confirme avec les visites du père de la mission catholique

VII. Portée de l’œuvre

Ce que Meka a fait est une sorte d’échange. En effet, du moins tel semble être le sens que lui donne la voix qui avait parlé dans le public : « Moi, je dis qu’on aurait mieux fait de l’habiller de médailles ! (...) Ce qu’a compris la femme de Meka Kelara. Le narrateur semble accuser alors la complicité des africains qui ont favorisé l’implantation des européens à travers les personnages de Meka. Aussi le sort de ce dernier est de souffrir l’ingratitude de la France, comme ce fut le cas pour Meka.
Il est alors compréhensif de noter la contradiction entre les valeurs que le haut commissaire défend dans son discours à savoir l’égalité et la fraternité entre tous les hommes et la réalité vécue par Meka qui croyait à l’amitié des Blancs jusqu’à les inviter prendre un repas chez lui. Parce que le haut commissaire Gosier d’Oiseau l’a humilié, celui-là même qui dans Une vie de boy avait battu jusqu’au sang le boy Toundi. Sans oublier la ségrégation lors du service du vin d’honneur : ils eurent du vin rouge alors que les Blancs buvaient du whisky. Les quartiers étaient séparés, et on malmenait un indigène qui osait franchir la frontière qui les séparait sans demander la permission. Le beau-frère de Meka failli en subir les conséquences en allant chercher celui-ci chez le commandant.

Conclusion

A travers Le vieux nègre et la médaille, c’est une sorte d’opposition classique chez Oyono qu’on vient de voir : la traditionnelle opposition d'un Noir naïf qui croit à l’amitié des Blancs hypocrites et sournois. C’est surtout l’ironie et l’humour caractéristiques de l’écriture de Oyono qu’on lit dans ce texte simple mais très dense. Ce livre de moins de deux cent pages résume les spécificités culturelles africaines et occidentales mais aussi les caractères et comportements de ces deux peuples à travers des thématiques variées à la fois traditionnelles et modernes. Cette médaille de Meka n’est-elle pas le symbole des visites de chefs d’Etats Européens ? Des aides répétées qui n’ont aucunes valeurs comparées au mal qu’ils ont fait subir aux africains ?
Lexique :
Autodérision : faire une plaisanterie, une moquerie, une raillerie visant sa propre personne.
Mascarade : fête de carnaval avec déguisement

mardi 20 mai 2008

L’Amour dans Le Père Goriot d’Honoré de Balzac

Introduction Les sentiments gouvernent le monde, ce n’est un secret pour personne. Et l’amour sur quoi repose toute relation est l’un des plus présents et des plus importants. Le père Goriot en offre une exploitation intéressante, étant donné que c’est la problématique de l’histoire. Remarquons que le mot et ses dérivés est présent 214 fois, dont le verbe « aimer » conjugué 140 fois. « L'amour à Paris ne ressemble en rien aux autres amours », dit Eugène de Rastignac. Cette affirmation suffit pour montrer l’importance de ce thème dans le roman, et la nécessité de l’étudier pour comprendre le roman. Le travail d’exploitation que nous proposons s’intéressera dès lors aux types d’amours qui se manifestent dans le roman, au rôle que ce thème joue, à la conception de l’amour au 19ème de l’auteur et à l’écriture de ce thème. I. Les types d’amour 1. L’amour filial Il s’agira surtout de cet amour que se vouent les personnages ayant des liens de parenté. L’amour est fondement de la famille, nul ne peut en douter, et cela justement par le fait que le père Goriot a toujours ce mot « amour » au bout des lèvres. En effet, l’amour de Goriot pour ses filles est légendaire, car il ne vit que pour et par cet amour. Cet amour paternel est même, à la limite, bizarre, suspect, puisque les personnages de la pension sont allés jusqu’à croire que ses filles étaient ses copines. Encore qu’on peut même soupçonner le père Goriot d’inceste « refoulé ». Aussi le narrateur peut-il dire que « Le dévouement irréfléchi, l'amour ombrageux et délicat que portait Goriot à ses filles était si connu ». Et aussi « Il avait donné, pendant vingt ans, ses entrailles, son amour ». Cet amour est permissif, il pardonne tout, aussi occasionne-t-il l’exploitation, la ruse, la tricherie et la trahison. L’amour qu’il portait à sa fille est ainsi la cause de sa ruine; et pire, le père n’a jamais eu en retour l’amour qu’il avait offert. Eugène a de la chance, en sera-t-il de même pour ses sœurs ? En tout cas, elles ont de l’amour, sincère pour leur frère, car elle sacrifie leur argent pour lui, pour son bonheur, pour lui sauver la vie. Elles lui témoignent donc leur amour par le geste mais également par la parole. Dans la lettre de Laure à Rastignac, on peut en juger : « Adieu, cher frère, jamais lettre n'a porté tant de voeux faits pour ton bonheur, ni tant d'amour satisfait » et « Ta soeur qui t'aime », lui dit sa sœur. Au passage, on notera que autant l’amour que se portent mutuellement les sœurs d’Eugène, Laure et Agathe, est constructif et harmonieux, autant celui qui lie Anastasie de Restaud et sa sœur Delphine de Nucingen est empreint de rivalité, d’animosité. La raison, elle est résumée dans ce passage : « Restaud a de la naissance, sa femme a été adoptée, elle a été présentée ; mais sa soeur, sa riche soeur, la belle madame Delphine de Nucingen, femme d'un homme d'argent, meurt de chagrin ; la jalousie la dévore, elle est à cent lieues de sa soeur ; sa soeur n'est plus sa soeur ; ces deux femmes se renient entre elles comme elles renient leur père. Aussi, madame de Nucingen laperait−elle toute la boue qu'il y a entre la rue Saint−Lazare et la rue de Grenelle pour entrer dans mon salon. » Le prix que l’être qui vous aime vous attibue apparaît dans le mot « cher » qui accompagne le nom de la personne aimée. Ainsi se mesure souvent la sincérité du sentiment. Laure dira « cher frère » et dans la lettre de sa mère les expressions suivantes structurent le texte : « Mon cher enfant », « Mon cher fils », « cher enfant », « Adieu, cher enfant ». Et à sa cousine la Vicomtesse de Beauséant, Eugène retrouve l’assistance d’une parente, et sa reconnaissance n’a pas tardé : « Ma chère cousine, dit Eugène, vous m'avez déjà bien protégé ». Madame de Couture marque aussi ainsi l’amour qu’elle porte à sa nièce Victorine Taillefer. Elle lui dit dans un élan de protection : « − Remontons, ma chère petite, dit madame Couture, ces affaires−là ne nous regardent pas » Cette astuce est utilisée par Vautrin et par le père Goriot à l’endroit de Rastignac pour tisser une relation équivoque d’amour paternel. Vautrin lui prodiguant ses conseils dit : « La vertu, mon cher étudiant, ne se scinde pas ». Au total, on peut constater que cet amour là est surtout protecteur et constructif. Qu’en est-il de l’amour charnel ? 2. L’amour charnel Cet amour est le fondement de l’œuvre, du moment qu’il lie des personnages qui n’ont aucun lien de parenté. Cet amour-là qui débouche sur une satisfaction d’un désir charnel, sensuel. Cet amour est trop fort du moment qu’il a comme but un plaisir et surtout un désir à satisfaire. Et souvent, une fois le désir satisfait, cet amour a tendance à mourir, causant ainsi les pires désagréments et les pires désespoirs, si ce n’est la mort. Dans Paris, le désir est suscité par la coquetterie des femmes et non par l’amour. Le jeune provincial va donc entrer dans le monde de la passion et, d’emblée, juge la première beauté de Anastasie ainsi : « Mais pour Rastignac, madame Anastasie de Restaud fut la femme désirable » et la description qu’il en fait est digne des femmes du conte des Mille et une nuits et montre déjà qu’il succombe sous le charme de la parisienne : « Eugène sentit donc la fraîcheur épanouie des mains de cette femme sans avoir besoin d'y toucher. Il voyait, à travers le cachemire, les teintes rosées du corsage que le peignoir, légèrement entrouvert, laissait parfois à nu, et sur lequel son regard s'étalait. Les ressources du busc étaient inutiles à la comtesse, la ceinture marquait seule sa taille flexible, son cou invitait à l'amour, ses pieds étaient jolis dans les pantoufles. » Sur ce plan, Eugène n’est pas très différent de Goriot qui a eu aussi ses moments d’amour charnel, et « Sa femme (…) fut pour lui l'objet d'une admiration religieuse, d'un amour sans bornes. Goriot avait admiré en elle une nature frêle et forte, sensible et jolie, qui contrastait vigoureusement avec la sienne » Et Eugène en a saisi l’essentiel, par ce qu’il vient de découvrir c’est-à-dire qu’ « En possédant cette femme, Eugène s'aperçut que jusqu'alors il ne l'avait que désirée, il ne l'aima qu'au lendemain du bonheur : l'amour n'est peut−être que la reconnaissance du plaisir ». C’est le cas pour sa copine Delphine qui « aimait Rastignac autant que Tantale aurait aimé l'ange qui serait venu satisfaire sa faim, ou étancher la soif de son gosier desséché. Mais aussitôt les premiers élans de bonheur passés, il compris que sa vie ne sera plus comme avant, c’est-à-dire sans souci : « Il n'est plus aujourd'hui qu'une seule crainte, un seul malheur pour moi, c'est de perdre l'amour qui m'a fait sentir le plaisir de vivre ». Dans le roman, cet amour occupe une place privilégiée, et il est à l’origine de comportements aussi bizarres que vicieux. 3. L’amour fraternel On comprend dans cette partie l’amitié, et même la camaraderie, qu’elle soit passagère ou durable, le voisinage. La rareté d’un tel amour montre à quel point les gens de la société parisienne sont égoïstes et intéressés. Un tel amour ne se rencontre qu’avec les deux étudiants, Rastignac et son ami le docteur Bianchon. Au moment où il est inquiet, c’est à Bianchon qu’Eugène va se confier. Aussi lui avoue-t-il son souci ainsi : « − Eh bien ! Bianchon, je suis fou, guéris−moi. J'ai deux soeurs qui sont des anges de beauté, de candeur, et je veux qu'elles soient heureuses. Où prendre deux cent mille francs pour leur dot d'ici à cinq ans ? ». Aussi la confession est d’une telle sincérité qu’il lui répète : « − Merci, tu m'as fait du bien, Bianchon ! nous serons toujours amis » L’amitié est recherchée par tous les personnages qui sont autour de Rastignac. Vautrin pense que le seul réel sentiment est « une amitié d'homme à homme » et il dit au père Goriot qu’une fois en Amérique « Je vous enverrai les cigares de l'amitié » II. Le rôle de l’amour 1. L’amour et l’argent L’amour est le moyen souvent utilisé pour avoir de l’argent. La technique se trouve résumée dans la citation suivante : « Une nuit, après quelques singeries, vous déclarerez, entre deux baisers, deux cent mille francs de dettes à votre femme, en lui disant : " Mon amour ! " Ce vaudeville est joué tous les jours par les jeunes gens les plus distingués. Une jeune femme ne refuse pas sa bourse à celui qui lui prend le coeur. ». Aussi Quand Rastignac dit qu’il va réussir, il parle aussi bien en amour qu’en argent. Mais Vautrin l’avertit : « Vous irez coqueter chez quelque jolie femme et vous recevrez de l'argent. Vous y avez pensé ! dit Vautrin ; car, comment réussirez−vous, si vous n'escomptez pas votre amour ? ». Ce qui est remarquable dans cette société, c’est qu’il y est presque impossible d’avoir les deux. C’est comme courir deux lièvres à la fois. « Rastignac résolut d'ouvrir deux tranchées parallèles pour arriver à la fortune, de s'appuyer sur la science et sur l'amour (…). Il était encore bien enfant ! Ces deux lignes sont des asymptotes qui ne peuvent jamais se rejoindre. » Mais, lui, il est un victime de ce diable de Vautrin qui le forme sournoisement et répète dans ses oreilles la formule : « Or et amour à flots ! » L’argent est ainsi le seul moyen de plaire, semble dire Delphine à Rastignac : « Si je sens le bonheur d'être riche, c'est pour mieux vous plaire. ». L’amour et l’argent sont tellement liés dans ce roman que Victorine Taillefer « héritera de l'amour et de la fortune de son père » en même temps, si son frère venait à mourir, ce frère qui ne l’aime pas. 2. L’amour et le mariage Le mariage qui normalement est l’aboutissement des liens d’amour est synonyme de souffrance, de désespoir, de trahison. Tous les deux mariages des filles Goriot sont des échecs, et elles en souffrent énormément. C’est souvent une déception, un martyre, jamais un bonheur. Et même si le mariage au début réussit, il n’y a aucune chance dans cette ville qu’il en soit ainsi éternellement. C’est la raison pour laquelle le père Goriot s’en prend à l’institution du mariage en ces termes : « Pères, dites aux Chambres de faire une loi sur le mariage ! Enfin, ne mariez pas vos filles si vous les aimez. Le gendre est un scélérat qui gâte tout chez une fille, il souille tout. Plus de mariages ! ». Il a raison, car sa fille Delphine dit qu’elle a subi, dans son ménage, la violence et la brutalité, c’est pourquoi elle dit : « Le mariage est pour moi la plus horrible des déceptions ». Le mariage à Paris est souvent un contrat, une transaction commerciale et voilà que « Sur soixante beaux mariages qui ont lieu dans Paris, il y en a quarante−sept qui donnent lieu à des marchés semblables. » 3. L’amour, un pouvoir de domination L’amour est comme un « empire », il permet de commander l’autre. « Toutes les passions des hommes sont bien certainement excitées ou entretenues par l'une ou l'autre de ces deux causes, qui divisent l'empire amoureux » Le narrateur semble dire que les sentiments finissent toujours par devenir un moyen de domination, ce à quoi échappe le père Goriot, puisque sa femme meurt avant ce stade, ce qui explique que ses propres filles se soient chargées de terminer l’œuvre de leur mère : « Goriot, malheureusement pour lui, perdit sa femme ; elle commençait à prendre de l'empire sur lui, en dehors de la sphère des sentiments. » Anastasie contrôle son mari et lui soutire tout son argent, mais elle est à son tour trompée par son amant Monsieur de Trailles qui la ruine, elle et son père : « Il a fallu être amoureux fou, comme l'était Restaud, pour s'être enfariné de mademoiselle Anastasie. Oh ! il n'en sera pas le bon marchand ! Elle est entre les mains de monsieur de Trailles, qui la perdra » Ce pouvoir, Eugène voulait l’avoir sur Anastasie : « Cette femme, évidemment amoureuse de Maxime ; cette femme, maîtresse de son mari, liée secrètement au vieux vermicellier, lui semblait tout un mystère. Il voulait pénétrer ce mystère, espérant ainsi pouvoir régner en souverain sur cette femme si éminemment Parisienne. » III. L’amour au 19ème siècle IV. L’écriture de l’amour Le romancier est fidèle à sa technique du réalisme. En effet, pour mieux faire voir la réalité, il use souvent de figures de style, surtout la comparaison et la métaphore. Le thème l’amour est par ces moyens toujours présents. « Dieu est amour » dit la religion chrétienne, et Balzac ne se prive pas la Parole, quand il dit « Dieu n'aime le monde, parce que le monde n'est pas si beau que Dieu ». De la comparaison telle « L'amour et l'église veulent de belles nappes sur leurs autels », le narrateur file la métaphore de la religion par le biais d’un champ lexical de la religion très abondant. Citons cet exemple : « En s'initiant aux secrets domestiques de monsieur et madame de Nucingen, il s'était aperçu que, pour convertir l'amour en instrument de fortune, il fallait avoir bu toute honte, et renoncer aux nobles idées qui sont l'absolution des fautes de la jeunesse ». Parfois quand Eugène parle de l’amour que le père Goriot porte à ses filles on a l’impression qu’il parle de l’amour que Dieu, le Seigneur a pour les hommes. « Eugène ne pouvait pas se dissimuler que l'amour du père, qu'aucun intérêt personnel n'entachait, écrasait le sien par sa persistance et par son étendue. L'idole était toujours pure et belle pour le père, et son adoration s'accroissait de tout le passé comme de l'avenir ». Et le narrateur l’affirme clairement que l’amour « est une religion, et son culte doit coûter plus cher que celui de toutes les autres religions ». La technique de la répétition qui donne au roman des allures de roman d’amour fait partie de l’écriture de Balzac. Le roman est ainsi une sorte de parodie du roman à l’eau de rose, sauf qu’ici le dénouement est loin de celui des vrais romans d’amour qui se termine toujours, comme le fait remarquer Vautrin ironisant sur Victorine à il demandait de veiller sur Eugène qu’elle aime « ils furent considérés dans tout le pays, vécurent heureux, et eurent beaucoup d'enfants. » Avant d’ajouter « Voilà comment finissent tous les romans d'amour ». Conclusion L’amour tue comme le poison. Quand bien sûr il n’est pas réciproque, ou quand il n’est pas partagé. Le père Goriot en est mort pour ses deux filles, mais il aura donné avant de partir quelques conseils à Rastignac. « J'avais trop d'amour pour elles pour qu'elles en eussent pour moi » dit-il. Une façon pour lui de dire qu’il faut toujours garder une partie de son amour pour soi-même. Aussi se culpabilise-t-il : « Moi seul suis coupable, mais coupable par amour », parce que « L'argent ne devient quelque chose qu'au moment où le sentiment n'est plus. ». Par ailleurs, Rastignac lui-même a lu quelque chose comme cela dans la lettre que sa maman lui a écrite et il en tremblait de terreur, c’est l’amour que lui porte sa mère. La grande philosophie que les personnages du roman devait comprendre était la suivante : « Le véritable amour payait pour le mauvais » amour.